Guinée: Mouctar Bah, correspondant de RFI et AFP puni pour refus d'allégeance au pouvoir
La carte professionnelle de Mouctar Bah correspondant de l’AFP et de RFI à Conakry depuis 1996 n’a pas été renouvelée par le Conseil national de la communication, organe de régulation de l’activité des médias crée en 1992. La directrice de cette institution n’est autre que Martine Condé, ancienne directrice de la communication de la campagne du Président Alpha Condé. Il se trouve que déjà depuis quelques mois, le journaliste serait très mal vu par le Président. En effet, on peut lire sur le site du Rassemblement du peuple de Guinée, le parti au pouvoir une violente attaque contre Mouctar Bah, publiée en aout 2010, lors de la préparation du 2ème tour des élections présidentielles.
C’est là que les observateurs de la vie politique guinéenne trouvent les raisons du non renouvellement de la carte de correspondant de presse de Moctar Bah.
A l’instar de nombreux médias guinéens, Le Lynx, hebdomadaire satirique de Conakry, tire les leçons de cette déplorable histoire sous la plume de son créateur et directeur. Je tiens à avertir le lecteur que l’écrit est typiquement dans le style du Lynx, pas toujours facile à comprendre pour les non initiés, mais très apprécié par les fidèles lecteurs.
Voici le texte tel que publié par Le Lynx:
“Mouctar Bah, RFI, Conakry”. L’homme est jusque-là sans adresse fixe. RFI, c’est dans les airs. Conakry, c’est à la fois sale et vaste. Retrouver quelqu’un dans cette suite d’immondices n’est pas une mince affaire. On l’écoute plus qu’on ne le voit. Mais le problème sera bientôt réglé. Le correspondant de RFI à Cona-cris va bientôt se taire pour battre le pavé. Le Président de la République, le «Professeur» Alpha Grimpeur, cherche sa peau. Mais, celle-ci est si mal cachée qu’il suffit d’une petite signature de Tantie Martine, la Présidente du CNC, pour invalider son accréditation. C’est dire que la suite de la carrière du Moutard ne dépend plus que de l’indépendance et de la souveraineté du Conseil National de la Communication que pilote la Directrice de la communication du candidat Alpha Condé. Je ne vous souhaite pas une telle stabilité.
Quand les tribus du Foutah ont décidé de venir chercher la sagesse auprès du Président Alpha Grimpeur à Sékhoutouréya le 9 octobre dernier, personne n’a entendu Mouctar narrer la scène aux auditeurs de RFI. Et… Alpha se fâche. Dès le lendemain de cette rencontre historique, le Président de la République téléphone à RFI. Il tombe sur trois grosses pointures de la rédaction: Olivier Rogez, Jean Karim Fall et Anne Marie Capomaccio pour se plaindre du silence-radio que le Moutard a imposé à l’événement. Avec intention manifeste de nuire.
Le correspondant de RFI à Cona-cris a dû sursauter. Depuis que les Guinéens de 2011 ont repris les jeux favoris de l’époque de la révolution pour venir payer allégeance à leur Président bien-aimé, Mouctar Bah s’est imposé un silence coupable. Dans les années 70 et 80, les fédérations du PDG se succédaient devant Sékou Touré pour lui rappeler qu’il était, qu’il est, qu’il sera toujours le plus beau, le plus stratège, le plus sage, le plus populaire, le plus responsable de tous les responsables suprêmes de toutes les révolutions globales, multiformes et transtemporelles de la planète. L’impérialisme, le colonialisme, le néo-colonialisme et leurs valets qui complotent à Dakar et à Abidjan n’y pourront rien. C’est comme ça. Ce sera toujours ainsi.
Et l’histoire rebelote depuis l’attaque du domicile privé du Chef de l’Etat le 19 juillet 2011 à Kipé. Le défilé a repris à Sékhoutouréya. Puisque le PDG ne vit plus qu’à coût de communiqués de presse, ce sont les préfectures de l’intérieur qui ont pris le relais pour s’aligner par ordre démagogique devant la grille du Palais Sékhoutouréya, sous la houlette des coordinations tribales abusivement appelées “coordinations régionales”. Il faut absolument dire au Président Grimpeur et au reste du monde, que Alpha Condé est le premier président démocrate, le plus démocratiquement élu de l’histoire de la Guinée indépendante. Jaloux, saboteurs et putschistes n’y peuvent rien. Ils n’y pourront rien. C’est comme ça !
Mouctar Bah, lui, n’a pas trouvé mieux que de priver les auditeurs de RFI des comptes rendus succulents de telles rencontres historiques. L’intention de nuire est manifeste; répétons-le ! Surtout si c’est le Foutah entier qui arrive à Sékhoutoureya. Mais, puisque c’est comme ça, le Président Alpha Condé ne peut pas ne pas téléphoner aux responsables du Service Afrique de la station française pour demander…des contes. Profondément vexé par le silence radio de RFI sur les prouesses tribales des Guinéens, le Président Condé a carrément avoué devant des journalistes sénégalaids qu’il “se bah” pour faire sauter le Moutard.
On ne connaît pas encore la forme que prendra le saut de M. Bah dans le chômage-radio, mais il doit être habitué à ce genre d’exercice. Il l’a déjà expérimenté avec l’invalidation de son accréditation par le CNC le 24 décembre 1998, dix jours seulement après qu’on a crevé le Pinet d’un certain Alpha Condé dans Lola, un vague opposant historique qui créait des histoires au régime de feu Fory Coco. Les proches de celui-ci reprochaient au Moutard son manque de coopération. Il a refusé par exemple, de publier une information-béton selon laquelle l’opposant Alpha Condé entretenait, à lui seul, 300 vedettes en haute mer, prêtes à pointer du nez à Cona-cris pour débarquer le Général Conté de son fauteuil président-ciel. En revanche, Mouctar Bah profitait des antennes de RFI pour alimenter la Seine avec “ des informations ” favorables à l’opposant grimpeur. Les hommes du Président Conté, parmi lesquels Kiridi Bangoura au Ministère de l’intérieur et Fodé Bangoura, inamovible conseiller à la Cocoteraie, ne comprenaient pas pourquoi une affaire intérieure portant sur l’arrestation d’un opposant histo-risque, devait être connue à l’extérieur de la Guinée. Alors Mouctar Bah, Amadou Diallo de la BBC et Ben Daouda Sylla d’Africa N°1 ont perdu leurs accréditations à quelques jours de l’ouverture du procès du Grimpeur. Ceci, grâce à la bienveillance du CNC.
Aujourd’hui, le même Kirdi-Kirdi Bangoura, le même Faux-dé Bangoura qui comptent parmi les plus fidèles conseillés du Président Condé, peuvent ne pas comprendre pourquoi Rfi n’ouvre pas ses bulletins d’information sur l’allégeance des tribus du 21è siècle au Président le plus démon-crac-tiquement élu de l’histoire de la Guinée. Si les mêmes hommes produisent les mêmes effets pour des régimes différents, dans quel registre écrirez-vous les chapitres les moins glorieux du changement prôné par le Président Condé ? Demandez à Mouctar d’y répondre !
Diallo Souleymane