Politique

Innondations de 1966 à Florence, à la vue des pirogues dans ma rue, j'ai cru que c'était une hallucination

Billet révisé

Vidéo téléchargée de Youtube par Saverio Simonelli News Tv2000 sous licence YouTube standard avec le titre « gli angeli del fango 50 anni dopo » (Les anges de la boue 50 ans après). Il a utilisé cette expression pour désigner les jeunes provenant du monde entier qui ont accouru dans les bibliothèques, les institutions culturelles, les rues, les magasins, etc. pour sauver tout ce qui pouvait l’être. J’ai participé à ce sauvetage. 

Lorsque, l’Arno, le fleuve qui traverse la ville de Florence, est sorti de son lit après 300 ans que cela ne s’était pas vérifié, le 4 novembre 1966. À certains endroits de la ville l’eau a atteint une hauteur de 2 mètres.

J’habitais dans une pension à Via Cavour, où je vivais depuis un certain temps déjà. À mon réveil, quand j’ai regardé par la fenêtre, j’ai vu un bateau naviguer vers la Piazza del Duomo, là où la veille c’était des voitures qui circulaient. La scène était tellement insolite que je n’y ai pas cru. Je n’ai pas pleinement apprécié ce qui se passait.

Inconscient du danger que je courais, je suis sorti pour aller au resto pour étudiants. Je me suis dirigé vers la place Saint-Marc. À la première intersection, je me suis aperçu que j’étais seul sur toute la rue et qu’à ma droite, c’était comme s’il y avait une rivière en cru.

C’est à ce moment-là que j’ai apprécié le danger que je courais. J’ai décidé de retourner à la pension, mais le courant était devenu encore plus fort. Quand je suis arrivé à la porte de la pension, j’ai frappé avec toutes mes fores pendant longtemps, accroché à un cercle en fer fixé sur la porte, avant qu’une voix ne se fasse entendre. Un homme, le fils aîné de la propriétaire, m’a dit qu’il ne pouvait pas ouvrir parce que l’eau risquait d’envahir toute la pension, qui était au premier étage.

J’ai passé quelques-uns des moments les plus effrayants de ma vie. En entendant mes cris, la mère du type, m’a reconnu. Elle m’a toujours aimé comme une mère, bien que je ne me rappelle pas avoir jamais payé le loyer. En effet, j’étais étudiant sans bourse qui vivais de charité. Je ne pouvais pas travailler car il était interdit aux étrangers de travailler. Elle a dit à son fils de m’ouvrir. Devant son refus, elle a crié: « Lui aussi, c’est le fils à quelqu’un! » Il a ouvert la porte. La violence du courant était telle que j’ai été projeté contre son fils, à l’intérieur de la maison. Heureusement qu’il avait au moins 1,80 m avec probablement plus de 100 kg et moi j’étais mince et léger comme une plume. Autrement, j’aurais été projeté contre les escaliers.

 Inauguration de la 263°année academique dei Georgofili Photo extraite de la page Facebook de l'Académie dei Georgofili

Inauguration de la 263°année academique dei Georgofili
Photo extraite de la page Facebook de l’Académie dei Georgofili

Une fois que j’ai pris conscience des dommages causés par les inondations aux institutions culturelles de Florence et que le fleuve s’est retirée, j’ai participé avec enthousiasme au volontariat pour aider à sauver des documents et des livres anciens à la Bibliothèque nationale et à l’Académie des Georgofili. Le travail était vraiment intense. Pendant plusieurs jours, de l’aube jusque tard dans la nuit, nous étions dans la boue, sans gants pour éviter d’endommager les documents qui dataient de plusieurs siècles. Nous étions des filles et des garçons provenant du monde entier. Lorsque nous réussissions à sauver une oeuvre, nous étions heureux sachant qu’elle était unique dans l’ensemble de l’humanité. L’émotion était très forte.

 

 

On mangeait un sandwich et souffrait beaucoup du froid. Un jour, alors que j’étais occupé à à participer à une chaine où chacun recevait un livre ou autre document du collègue à gauche pour le passer à celui qui était à droite, à l’entrée d’une grande pièce au sous-sol de l’Académie des Georgofili, une délégation du gouvernement est venu nous encourager. Le Ministre de l’Education, de l’Université et de la Recherche scientifique s’est arrêté en face de moi et m’a demandé mon nom. Quand je lui ai dit « BA », il a répondu que lui il s’appelait « BO », j’ai pensé qu’il s’agissait d’une blague. Les copains italiens m’ont dit après que ce n’en était pas une et qu’il s’appelait ainsi: Carlo Bo.

Quelques années plus tard, en 1978, en provenance de Vienne, je me suis arrêté avec ma famille pour saluer la famille propriétaire de la pension Casci et rembourser la dette. La maman avait disparu. Les enfants nous avons reçus avec chaleur et nous avons ri de nos souvenirs. Ils ont refusé le remboursement. Ils étaient ravis de voir ma femme et mes enfants ainsi que de savoir que j’étais devenu fonctionnaire de l’ONU.

J’ai aussi éprouvé une grande satisfaction quand notre deuxième fils, m’a dit qu’un de ses amis lui a montré à lui et à sa femme un livre publié par l’Académie dei Georgofili pour remercier les bénévoles, parmi lesquels figurait mon nom.

À la fin des travaux de sauvetage, l’Académie nous a délivré un certificat que j’ia encore à la maison à Rome.

 

 

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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