La machine à fabriquer des dictateurs!
Une question récurrente chez bon nombre de Guinéens c’est de se demander si notre cher pays n’est pas damné par la nature pour ne pas dire « maudit » par les cieux?
D’ aucuns vous diront volontiers que c’est la conséquence de tout le sang versé par des milliers de victimes innocentes du système pseudo révolutionnaire et sanguinaire de Monsieur Sékou Touré durant vingt six ans ainsi que celles du régime autocratique et corrompu de Monsieur Lansana Conté.
D’autres soutiennent qu’après avoir doté le pays d’immenses et diverses ressources, le créateur aurait voulu priver les Guinéens du bonheur qui devrait normalement découler de leur exploitation.
Ce qui nous préoccupe, au plus haut point, c’est de comprendre les profonds mécanismes qui font que l’histoire de la Guinée bégaie et se répète depuis cinquante et un ans maintenant !
Pour ce faire nous allons parcourir diverses causes possibles, à l’instar des contrées voisines, de ce qui est à la base de cet état de fait, les causes pouvant être aussi bien socio culturelles que structurelles.
La Guinée est- elle condamnée à subir tous les affres de l’histoire des pays du tiers monde et quelles en sont les causes?
On peut, à juste titre, se demander pourquoi la Guinée depuis cinquante et un an à présent, n’a connu que des drames humains de toutes sortes (complots, massacres de populations avec des tirs à balles réelles), et n’a connu que trois présidents, tous dictateurs.
Nous croyons que pour pouvoir répondre à cette question il serait utile de parcourir les différentes causes possibles :
.Le faible niveau d’éducation et de scolarisation des populations en comparaison avec des pays semblables comme le Mali ou le Niger et le Sénégal ne peut pas être retenu comme un critère solide car ce pays connait depuis la chute de Modibo Keita, père de l’indépendance et autocrate, une certaine stabilité démocratique avec alternance au pouvoir.
La religion en général et musulmane en particulier, dans un pays où elle est à une écrasante majorité dominante, pourrait elle être considérée comme un frein? en se référant à l’exemple Malien Sénégalais ou Nigérien nous pouvons sans hésitation répondre par la négative ; bien que le pouvoir soit considéré comme d’essence divine et sous entendu que le croyant doit se soumettre à l’autorité du moment c’est-à-dire au pouvoir temporel. Les populations Africaines sont souvent « légitimistes ».
L’une des causes pourrait aussi être due au fait que dès qu’un pouvoir s’installe, il se constitue aussitôt des comités de soutien de toutes sortes (jeunes, femmes, travailleurs, etc.), animés par l’appât du gain et des considérations clientélistes.
Il se forme aussitôt autour du nouveau pouvoir et de son chef toute une nuée de « conseillers » officiels et/ou occultes qui finissent par faire comprendre à celui qui est en place qu’il est un surhomme et que le pouvoir se prend et ne se donne pas. Une fois qu’on l’a il faut le conserver.
La diversité des ethnies et de l’impossibilité du vivre ensemble dans une nation transcendant ces considérations de bas étage est aussi avancée. C’est ainsi que des politiciens exploitent les différences ethniques à des fins non avouées alors que celles-ci devraient constituer une richesse. Si cette thèse était vraie, tous les pays cités plus haut devraient connaitre les mêmes problèmes de coexistence interne.
Une des causes essentielles nous semble être la soumission/prostitution des élites « intellectuelles » au nouveau pouvoir pour satisfaire des ambitions et des visées de carrières. Elles pensent qu’en se taisant sur les violations graves des libertés individuelles et collectives ou en louvoyant du côté des autorités elles arriveraient à sauver l’essentiel, par exemple une nomination ou une promotion.
Tel qui était en pointe dans le combat pour les libertés et pour l’établissement d’un Etat de droit retourne sa veste dès que le pouvoir change et dès que ce sont ses partisans ou amis qui occupent les maroquins ministériels.
Comme relaté ci-dessus, nous pouvons nous rendre compte que la Guinée ne présente pas plus de spécificités aggravantes par rapport à ses voisins dont les populations vivent en parfaite harmonie et des pays qui ne connaissent pas les soubresauts qu’elle-même connait.
Le cas le plus édifiant reste celui de Monsieur Moussa Dadis Camara qui est en place depuis seulement neuf mois.
En effet comment comprendre que ce qui au départ a requis une belle unanimité de toutes les couches de la population ainsi que des acteurs politiques et de la société civile ait pu se transformer en si peu de temps, en fiasco conduisant au drame du 28 septembre 2009 ?
Comment, et en se fiant aux premières déclarations du personnage, il a pu changer au point de se renier et oublier ses multiples déclarations d’intention et surtout vouloir se cramponner au pouvoir au point de précipiter le pays au bord du précipice et de la guerre civile en opposant une partie du pays (ses affidés) à la grande majorité des citoyens ?
Avouez que la transformation a été rapide.
De deux choses l’une : ou bien Mr Moussa Dadis Camara est un dictateur né qui cachait bien son jeu et voulait arriver là où il nous a conduit ; ou bien c’est la société guinéenne, « le peuple » qui l’a transformé, avec les divers mouvements de soutien, pour devenir ce qu’il est à présent, un dictateur !
C’est ce qui nous fait dire que la Guinée est un pays, une machine à fabriquer des dictateurs. Car elle est toujours prête à se livrer pieds et poings liés au premier venu fut-il un charlatan.
Espérons qu’à l’avenir, les populations seront plus circonspectes et jugeront sur les actes et non sur les professions de foi.
Aboubacar Fofana
Economiste
Président du Club DLG.
E-mail : aboufof2@yahoo.fr
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