De la Médiation de la CDEAO!
Suite aux douloureux évènements du 28 septembre 2009 au stade du même nom, nous sommes plusieurs à nous demander s’il faut encore maintenir une certaine forme de dialogue avec le CNDD et son président Moussa Dadis Camara.
Je continue à penser que si dialogue il y a, il devrait être difficile à concevoir et mettre en place entre le bourreau et la victime, entre la soldatesque sans foi ni loi et les populations désarmées. L’armée guinéenne s’est habituée à s’acharner sur les citoyens qu’elle est sensée protéger, sécuriser contre une éventuelle agression extérieure.
C’est bien la troisième fois que cela se produit en trois ans (juin 2006 ; janvier 2007 et enfin septembre 2009).
Nous nous attendions lors de sa première déclaration après les évènements, à ce que le chef de l’Etat dans un souci de concorde et de communauté de destin présente des excuses et condoléances aux familles éplorées et à la nation guinéenne.
Au lieu de cela nous avons eu droit à des rodomontades contre les responsables de l’opposition, coupables de ce qui était arrivé, au motif que la manifestation était interdite pour cause de « fête nationale ». Il aurait pu aussi dire que les victimes, dans l’ensemble, étaient responsables de ce qu’il leur est arrivé.
C’est cette stratégie qui fait encore dire aux autorités de Conakry qu’il n’ya eu que cinquante sept morts dont cinquante trois par étouffement et quatre par balles perdues. Elles auraient même pu déclarer qu’il y eu « zéro mort », comme sous d’autre cieux.
Le Capitaine Moussa Dadis Camara n’est pas responsable, car il est resté à son bureau, donc pas coupable. C’est d’une logique implacable.
Avouez que c’est un peu gros pour un commandant en chef des forces armées guinéennes et président du CNDD.
Fallait-il laisser les Guinéens régler leurs problèmes entre eux et éviter ainsi une intervention extérieure ?
Je ne pense pas que cela aurait été responsable de la part de la communauté internationale qui nous accompagne, depuis le 23 décembre 2008 et la prise du pouvoir par les militaires, à travers le groupe international de contact (GIC).
Après les avancées sur le droit d’ingérence humanitaire qui ont fini par s’imposer à la communauté des nations, ne pas intervenir aurait pu être qualifié de non assistance à peuple en danger.
L’option d’une force d’interposition devant rester la dernière carte à mettre en œuvre en cas d’impossibilité de concilier les parties en présence et dans le souci de protéger les populations contre les dérives.
D’où la désignation de Monsieur Blaise Compaoré par le Président Nigérian, Moussa Yaraadua, Président en exercice de la CDEAO, pour essayer de renouer le dialogue entre les parties (CNDD et Forces Vives).
Beaucoup de guinéens pensent que cette médiation aurait du être conduite par une personnalité Africaine au dessus de tout soupçon comme Monsieur Ahmadou Toumani Touré ou Alpha Oumar Konaré ou encore Koffi Annan, etc. et n’ayant pas un passé de putschiste comme Monsieur Compaoré. Mais l’on peut aussi rétorquer que ce qui est au départ considéré comme un désavantage pourrait se révéler profitable pour les forces vives, en plus de son savoir faire de médiateur dans au moins deux conflits en Afrique (Côte d’Ivoire et Togo).
Si le médiateur arrive à éviter de ménager la chèvre et le choux, en recherchant et disant la vérité à qui de droit, c’est-à-dire à Mr. M.D. Camara, il ralliera tout les septiques à sa mission.
Il y a déjà quelques lueurs d’espoir car tout ce monde est invité à venir à Ouagadougou pour des négociations très serrées, et les parties ont donné leur accord.
Mais dans ces discussions, il y a deux préalables qui doivent être non négociables ne serait ce qu’en mémoire de toutes les victimes innocentes à savoir :
La non candidature de Mr Moussa Dadis Camara aux prochaines présidentielles, comme le lui a demandé l’Union Africaine (UA)
La mise en place d’une commission internationale d’enquête sur les récents massacres pour situer les responsabilités du donneur d’ordre à l’exécutant.
L’histoire tragique de la Guinée bégaie souvent à cause de l’impunité qui est devenue un système de gouvernance dans ce pays.
Si l’on veut mettre fin à cette situation il faudra nécessairement que cette boucherie ne reste pas sans suites pénales pour leurs auteurs.
La participation à un éventuel Gouvernement d’Union Nationale, pour le reste de la période de transition, aura comme socle les deux principes énoncés ci-dessus.
Sinon ce serait une tromperie de plus et les espoirs de démocratisation ainsi que de mise en place d’un Etat de droit seront encore remis aux calendres grecques.
Aboubacar Fofana
Economiste
Président du Club DLG.
E-mail : aboufof2@yahoo.fr
Blog : www.prospectives.over-blog.net
Paris le 6 octobre 2009