Voici pourquoi Sékou Touré a tué le capitaine Lamine Kouyaté
Corrigé le 8 mars 2021
Le capitaine Lamine Kouyaté n’était pas un ange, loin de là, mais nous ne pouvons pas ne pas évoquer ici les raisons de son arrestation et de sa mise à mort par le tyran Sékou Touré. Je vous invite à lire ces pages douloureuses telles que vécues par cet autre rescapé le Lieutenant-colonel Camara Kaba 41, auteur du livre Dans la Guinée de Sékou Touré : cela a bien eu lieu. |
Dans le groupe des assassinés du «complot peulh » il y avait deux officiers. Il s’agit de Kouyaté Lamine, avec lequel nous avons fait connaissance depuis Kankan et qui fut l’aide de camp de Sékou Touré , l’officier qui déposa une nuit l’adjudant Kassoum Traoré à Boiro. Le second, c’est le lieutenant Diallo Alassane du génie route de l’armée qui a fait ses études en Allemagne fédérale.
Le capitaine Kouyaté ne faisait pas partie, contrairement aux officiers arrêtés, de la liste établie par le commandant Mamady, et pour cause ! Il est le beau frère de Mamady. C’est Madame Andrée Touré, l’épouse de Sékou, qui perdit le capitaine Kouyaté Lamine. Ce dernier avant de mourir, a confié au mur de sa cellule ses ressentiments. Il s’en prenait à Moussa Diakité. Il a peut-être raison, mais il y a une vérité complémentaire, à savoir que Andrée Touré était amoureuse du beau et fort capitaine et jalouse de Mme Tolbert 37 qui trouvait également cet officier à son goût.
C’était à Monrovia, en 1975, lors de la fameuse réconciliation de Sékou avec Senghor et Houphouët. C’est là que Mme Tolbert remarqua l’athlétique aide de camp, immobile et vigilant sous la pluie.
— Votre aide de camp est formidable ! confia Madame Tolbert à Madame Sékou Touré . Vous en avez de la chance ! ajouta-t-elle.
— Oui, il est bien bâti ; répondit Andrée Touré en souriant d’un sourire contracté.
Après Monrovia, en 1976, Madame Tolbert fit un tour à Conakry et retrouva le beau capitaine au Palais. Maladroite, elle parla encore en bien de l’aide de camp de Sékou. Avant même que madame Tolbert ne quitte Conakry, Andrée Touré dit un jour à Sékou :
— Madame Tolbert est amoureuse de ton aide de camp.
En disant cela, elle avait la mine triste.
— N’est-ce pas ? questionna Sékou.
— Elle m’en a parlé à Monrovia et ici, le jour même de son arrivée.
Sékou Touré ricana. Kouyaté était perdu. Il n’est pas Peulh, mais il fit partie du « complot peulh ». Jai dit au début que je ne parlerai pas de la vie intime ni de Sékou ni de ses tortionnaires dans ce témoignage. Mais je ne suis pas le seul à savoir ce qu’il y a entre Mme Tolbert et Sékou Touré , comme d’ailleurs entre la plupart des belles femmes (épouses) de ses pairs africains et Sékou. Il faut reconnaître que peu de femmes résistent au charme de Sékou. Ce qu’il m’est impossible de savoir :
est-ce à cause d’Andrée Touré ou à cause de Mme Tolbert, ou alors à cause des deux que Sékou a tué le capitaine Lamine Kouyaté ?
Je certifie seulement que tous les aides de camp, à part le commandant Sidi Mohamed, ont été tués à cause d’Andrée Touré ; et l’un d’eux, le lieutenant Dia Gouréyssi, est mort de mort mystérieuse. On a parlé de jaunisse. C’est faux.
Le dernier officier mort dans l’affaire Telli, le lieutenant Diallo Alassane du génie-route, a été tué à cause d’Andrée Touré ; pourtant lui, n’a jamais été aide de camp. Voici ce qui s’est passé. Le ministre de l’Armée, Sagno Mamady effectua une mission au début de 1970, en Allemagne fédérale. Il y alla avec le lieutenant Diallo Alassane qui parlait couramment l’allemand. C’est en l’absence du ministre Sagno que je fus nommé attaché militaire. A son retour, il me trouva à son cabinet.
Le ministre Sagno et le lieutenant Alassane avaient trouvé Mme Andrée Touré en cure en Allemagne fédérale. Sékou était très bien informé. Il en voulut au jeune et beau officier qui accompagnait le ministre Sagno Mamady en Allemagne. Il crut fermement au début que c’était moi, l’attaché du ministre. Cette conviction de Sékou, en plus du fait que je figurais sur la liste des «douteux » dans l’Armée, me perdit ; sans compter d’autre part que je suis marié à une Peuhle. Quand Sékou et Siaka se rendirent compte, en 1972, que ce n’était pas moi qui avait accompagné Sagno Mamady mais bien le lieutenant Alassane, ils le portèrent sur la liste des gens du « complot » suivant, celui de 1976.
Avant qu’on ne mette Kouyaté Lamine en diète noire, Saran, — qui logeait dans le 2ème bâtiment aux portes de fer, bâtiment qui se trouve dans le même prolongement que celui qu’occupait le capitaine Kouyaté Lamine — aperçut un jour ce dernier au moment où on lui donnait son assiettée de riz.
— Dieu est vraiment grand, Kouyaté. Tu m’as rejointe ici. Tu aideras aussi la Révolution, mon frère.
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Le capitaine regarda tristement Saran qui se tenait les reins et qui riait. Elle n’oubliera jamais son vagin arraché par le capitaine Kouyaté, qu’elle voyait là, seul dans sa cellule, en tricot rouge aux manches brodées de blanc.
Saran ne se sentit plus vengée par le Bon Dieu quand on sortit en plein jour le corps recroquevillé du géant et beau capitaine Kouyaté après 14 jours de diète noire. Elle fut triste et pleura même.
Je vous ai parlé de la désintégration progressive des sentiments chez nous les détenus. La mort de nos camarades ne troublait guère plus, par exemple, nos jeux de damier ou de belote. A force de vivre dans nos cellules avec les cadavres, la mort ne nous disait plus rien.
— Enfin le cauchemar est fini pour eux ! ils sont au paradis pour l’éternité, disions-nous.