Guinée: Lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle
L’International Crisis Group a publiée la lettre suivante aux deux candidats du second tour sur les affrontements inter-ethniques qui ont provoqué des pertes en vie humaine, la destruction de biens et un important déplacement de peuls en particulier des villes de Kissidougou et Siguiri. Une guerre civile généralisée dans tout le pays a été évité de peu grace àla bonne volonté de certaines familles malinkés de ces villes et au fait que dans le Fouta Djallon,région où les peuls sont majoritaires, il n’y a pas de rétorsion.
Pour la crédibilité des élections, il est important que les autorités de la transition fassent tout ce qui est possible pour que tout citoyen puisse voter. Les mesures de sécurisation doivent etre renforcées dans tous les environs des bureaux électoraux à travers le pays, mais dans les villes sensibles. A cet effet les mesures prises par le Président de la CENI, leGl T. Sangaré sont à saluer.
Voici la lettre ouverte:
Dakar/Bruxelles, 5 novembre 2010 : International Crisis Group a suivi de très près le premier tour de l’élection présidentielle en Guinée et a accueilli avec soulagement son issue pacifique, étant donnée la période relativement courte d’organisation de ce scrutin. Toutefois, les affrontements ethniques des 23 et 24 octobre à Conakry et les attaques contre des citoyens sans défense qui se sont produits à Siguiri et Kissidougou, causant la mort d’une personne et des destructions de biens personnels, sont préoccupants et pourraient, s’ils se renouvelaient, entraver le processus de transition.
A cet égard, International Crisis Group appelle les deux candidats à la présidence à ne pas attiser les tensions ethniques et à ne pas encourager des violences qui pourraient nuire à la transition et à la fragile stabilité du pays. Nous demandons tout particulièrement aux candidats de cesser de mobiliser leurs partisans avec une approche maximaliste du “tout ou rien” et à respecter l’accord pour une élection apaisée, signé à Ouagadougou le 3 septembre 2010. International Crisis Group voudrait profiter de cette occasion pour rappeler à la fois à Cellou Dalien Diallo et à Alpha Condé qu’ils sont responsables des messages qu’ils transmettent à leurs supporters.
Le candidat perdant devra utiliser les voies légales de recours pour toute éventuelle contestation liée au scrutin. De même, nous exhortons le vainqueur à adopter une attitude d’ouverture favorisant la réconciliation, puisque le président nouvellement élu, quel qu’il soit, sera confronté à d’immenses défis qui nécessiteront, pour être relevés, de dépasser les clivages politiques et ethno-régionaux.
Comme mesure d’urgence, nous appelons le général Sékouba Konaté à relever immédiatement le niveau de sécurité. De même, des mesures urgentes doivent être prises pour améliorer la sécurisation du processus électoral, en particulier dans les centres urbains tels que Siguiri, Kankan, Nzérékoré et Conakry, connus pour être des foyers de potentielles violences à grande échelle.
En outre, il est dans l’intérêt national que l’armée continue à rester neutre à l’égard du processus électoral. Toute tentative d’utiliser la sécurité nationale comme prétexte pour intervenir dans le processus électoral et compromettre la transition doit être combattue par la communauté internationale et pouvoir faire l’objet de sanctions.
La communauté internationale, et en particulier le médiateur spécial de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), le groupe de contact international sur la Guinée et le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, doivent continuer à s’appuyer sur la tournure positive et encourageante du premier tour de l’élection, en travaillant avec les dirigeants guinéens et les candidats à la présidence, pour faire en sorte que le scrutin du 7 novembre se déroule sans violence.
International Crisis Group estime que, si l’élection d’un nouveau président civil ouvrira la possibilité d’un renouvellement de l’aide internationale, elle constituera aussi la première étape d’un processus devant permettre de résoudre les dysfonctionnements politiques du pays et de parvenir à une stabilité à long terme. Par conséquent, nous exhortons la communauté internationale à continuer, après l’élection, à accompagner la Guinée en appuyant les efforts substantiels qu’elle fournira pour consolider l’Etat, à travers notamment une réforme de l’armée, afin de ne pas compromettre les importants investissements déjà réalisés pour stabiliser le pays.