Tchad: Utilisation partisane de la loi, arrogance du pouvoir et violation des droits humains
A l’instar d’autres pays africains, le Tchad aussi n’a pas échappé à la malédiction du pétrole. La découverte et l’exploitation de l’or noir n’a apporté que des malheurs pour la plupart des peuples dont le sol en possède des réserves: Guinée équatoriale, Nigeria, Congo-Brazzaville et Angola. L’exode rural s’accompagne de la rareté des produits locaux, d’un recours massif des produits de première nécessité, notamment alimentaires, provoquant la cherté du cout de la vie et d’une plus grande pauvreté de la majeur partie de la population. L’argent gagné par l’exportation est pillé par la corruption des classes dirigeantes. Pour se maintenir au pouvoir ces classes utilisent la violence contre les populations en limitant les libertés fondamentales. Mais un peu partout, les membres de la société civile refusant de se plier à la volonté du pouvoir résiste et dénonce. Ainsi, la société civile tchadienne est en agitation depuis quelques semaines.
Trois dirigeants syndicaux et le rédacteur en chef du journal N’Djamena Bi-Hebdo ont été déclarés coupables d' »incitation à la haine » et de « diffamation », pour avoir rédigé et publié un Mémorandum adressé au Président Idriss Deby dénonçant la mauvaise gouvernance. Le blog de Makaila « Une plume combattante au service de la liberté » a fait savoir que:
Des citoyens des quatre coins du Tchad ont adressé, le 3 septembre dernier (avant la condamnation des leaders syndicats et du Rédacteur en Chef de N’Djamena-bi-Hebdo) un Mémorandaum à Deby. Les auteurs, représentés par Mme Achta et MM. Soumain Adoum, Massalbaye Ténébaye et Lazare Djékourninga vient de faire un Point de presse pour rendre public ce mémorandum.
Dans un point de presse, en date du 21 septembre, on peut lire:
Le chef de l’état et son gouvernement ont fait beaucoup de promesses aux populations tchadiennes à la faveur de l’ère pétrolière. Des investissements ont bien entendu été faits dans plusieurs domaines : social, économique, administratif, etc. Mais, force est de constater qu’après 8 ans dans l’ère pétrolière, les principaux indicateurs macroéconomiques du Tchad n’ont pas augmenté, certains ont même reculé. Le Tchad se retrouve souvent avec des performances inférieures aux moyennes régionales africaines.
Le Mémorandum dénonce en des termes clairs le blocage de la situation politique et sociale en cours depuis le 17 juillet 2012 à cause d’une grève des travailleurs du secteur public lancé par l’Union des syndicats du Tchad (UST) demandant l’application d’un protocole d’accord qui relève la valeur indiciaire des salaires.Ce Mémorandum dit:
Dans ce contexte, les populations sont affectées par l’indisponibilité des services, notamment ceux de la santé. Bientôt les élèves pourraient être à leur tour affectés par l’indisponibilité du personnel enseignant, si le bras de fer entre le gouvernement et l’Union des Syndicats du Tchad se durcit. Même si les arguments des deux parties sont compréhensibles, les citoyens tchadiens ne peuvent pas comprendre que le gouvernement ne parvienne pas à une porte de sortie de crise avec ses partenaires sociaux.
Soit le point de presse que le mémorandum font des recommandations au Président Déby et au gouvernement. Les premières recommandations invitent le Président à :
- Engager le dialogue direct avec le syndicat des travailleurs en vue d’obtenir une solution durable aux revendications salariales dans l’intérêt suprême de la nation tchadienne.
- Ouvrir des canaux de dialogue permanents pour impliquer toutes les couches sociales dans la recherche des solutions aux crises qui apparaissent régulièrement dans le paysage politique et social du pays.
- Enrayer le conflit [entre] agriculteurs et éleveurs sui non seulement porte un coup dur à la production agricole et pastorale, mais fait aussi des victimes humaines et met à mal le bon vivre ensemble.
Dans un billet publié sur le site amnesty.org, Christian Mukosa, chercheur sur le Tchad à Amnesty International fait connaitre les peines prononcées à l’encontre des syndicalistes et du journaliste par le tribunal de première instance de N’Djamena le 18 septembre 2012:
Michel Barka, Younous Mahadjir et François Djondang, tous trois membres dirigeants de l’Union des syndicats du Tchad (UST), l’un des plus gros syndicats du pays, ont été condamnés le 18 septembre à une peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 1 million de francs CFA chacun (1 540 euros).
Jean-Claude Nekim, journaliste et directeur de publication du bihebdomadaire N’Djamena Bi-Hebdo, a été quant à lui condamné à une peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 1 million de francs CFA (1 540 euros). Le journal a également été interdit de parution pendant trois mois.
Les quatre hommes ont été déclarés coupables d' »incitation à la haine » et de « diffamation », en lien avec la pétition de l’UST diffusée ce mois-ci. Jean-Claude Nekim a été inculpé après que N’Djamena Bi-Hebdo eu publié des extraits de cette pétition.
Dans ce billet, Christian Mukosa dénonce aussi l’utilisation de la justice à des fins partisanes:
Le gouvernement tchadien doit cesser de se servir du système judiciaire pour harceler les opposants politiques, a déclaré Amnesty International mercredi 19 septembre, après que trois syndicalistes et un journaliste ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement avec sursis et à des amendes, pour avoir lancé et publié une pétition.
Il dénonce aussi les intimidations dont sont victimes les les opposants et les militants des droits humains:
D’autres affaires ont montré récemment que les autorités se servent de la justice pour harceler des opposants politiques. C’est le cas notamment du député de l’opposition Gali Ngote Gatta, membre de l’Union des forces démocratiques (UFD).
Cet homme a été arrêté et condamné à un an d’emprisonnement en mars 2012 pour tentative de corruption et braconnage (du gibier aurait été retrouvé dans son véhicule) par le tribunal de première instance de Sahr, dans le sud du Tchad.
Gali Ngote Gatta a été interpellé le 4 mars, jugé et condamné trois jours plus tard, bien que son immunité parlementaire n’ait pas été levée. La procédure légale n’a pas été pleinement respectée et les audiences ont été menées avec une rapidité plus que suspecte.
De son coté, Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) basé à New York, a déclaré:
L’utilisation du code pénal pour intimider les journalistes et censurer les reportages et les opinions dissidentes est un abus de pouvoir. Nous demandons aux autorités d’arrêter les poursuites pénales contre N’Djamena Bi-Hebdo et son directeur de publication Jean-Claude Nekim. Tous les responsables de gouvernement, y compris le président de la république, doivent tolérer les critiques des citoyens. Toute personne se sentant personnellement offensée devrait faire pourvoir ses droits devant un tribunal civil et non pénal
Un billet publié sur le site de Reporters sans frontières rapporte les propos d’un journaliste tchadien:
Interrogé par Reporters sans frontières, un journaliste tchadien ayant assisté à l’audience a affirmé : « C’était un procès expéditif. Le procureur n’a pas prouvé la diffamation. Les avocats de la défense ont quitté la salle en signe de protestation. Ce procès ressemble à un règlement de compte avec Jean-Claude Nekim et son journal. D’autres titres avaient publié en intégralité la pétition du l’UST. Ils n’ont pas été inquiétés ; c’est simplement N’Djaména bi-hebdo qu’on a frappé ».
De nombreuses initiatives ont été entreprises par les journalistes et les internautes. Tous les journaux ont publié le journal des journaux, signé par les principaux journalistes du pays :
Cette édition spéciale avait été préparée par l’ensemble de la presse tchadienne indépendante et d’opposition, avec le soutien d’associations locales de défense des journalistes et la participation de Reporters sans frontières. Par cette initiative, ces titres de presse, qui ont suspendu pour une semaine leurs publications, visaient à protester contre les pressions politiques et judiciaires que subit Jean-Claude Nekim.
Le site kikideni.cowblog.fr s’est associé à cette initiative de solidarité:
La rédaction de www.kikideni.cowblog porte à la connaissance de tous ses lecteurs qu’elle suspend ses activités d’une semaine en guise de solidarité à notre confrère Jean-Claude Nekim, journaliste et directeur de publication du bihebdomadaire N’Djamena Bi-Hebdo.Nous dénonçons les actes [d’intimidations] du régime Tchadien et appelons toute la communauté journalistique a condamné ces actes.
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