1958-2014: De la Guinée française à la Guinée encore plus française
Un autre article de Bah Mamadou Lamine de l’hebdomadaire satirique de Conakry Le Lynx. Pour ceux qui ne connaissent déjà pas la langue de cet auteur, il est difficile de saisir pleinement le sens ironique de ses propos.
Pour comprendre la partie concernant les premiers présidents du Sénégal et de la Cote d’ivoire, je rappellerai que, contrairement à Sékou Touré, eux ils avaient opté pour une indépendance graduelle au lieu de la rupture totale avec l’ancienne puissance coloniale. Alors qu’en Guinée, Sékou Touré multipliait les discours radicaux révolutionnaires contre l’impérialisme, arrêtait, tuait et forçait à l’exil, l’économie allait de mal en pis. A sa mort en 1984, on estime que 50 000 victimes avaient succombé aux violences de la révolution et qu’un tiers de la population avait fui le pays. Il y a même eu des cas où des habitants de villages frontaliers entiers ont quitté le pays, en se transférant au Sénégal ou en Cote d’Ivoire. Ces deux pays, grâce aux bonnes relations avec la France et aux nombreux cadres qui avaient fui la Guinée ont réussi à jeter les bases de leur développement.
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Au moment de l’accession de la Guinée à l’indépendance, elle avait Au moment de l’accession de la Guinée à l’indépendance, elle avait environ la même population que la Cote d’Ivoire. En 2013, la population guinéenne était d’environ 11 millions, tandis que celle de la Cote d’Ivoire est de 22 400 835 d’habitants, selon la CIA. Le niveau de développement des deux pays était assez proche. En 2012, le PIB en pouvoir d’achat de la Cote-d’Ivoire était estimé à $41,01 milliards, malgré une longue période de guerre civile, alors que celui de la Guinée était de $12,37 billion.
Nous sommes en 1960. Alors élève au Lycée Technique de Donka, nous empruntons un car rapide Renault « 1000 kilos » pour aller à Kaloum. Nous étions coincé entre deux grosses vendeuses de légumes aux avant-bras pesants sur nos épaules frêles de gamin maigrichon. Nous protestons auprès de l’une des vendeuses en français. Elle nous toise avec mépris et dit « Ne me parle pas en français. Les Blancs sont partis ». Nous répliquons : « Puisqu’ils sont partis, on doit abandonner tout ce qu’ils ont laissé ? » « Oui », répond-elle. Nous renchérissons : « Alors, Madame, descendez de ce car, ce sont les Blancs qui l’ont laissé ».
Cette conversation plus que cinquantenaire est symptomatique du paradoxe guinéen. Depuis son fameux et fumeux « non » au référendum de Gaulle, Sékou Touré a passé son temps à insulter la France et les Français. L’impérialisme, le Néocolonialisme, le Fantochisme, la Cinquième Colonne, le Fascisme français, Jacques Foccart et ses suppôts en Afrique que sont Senghor et Houphouët… Tout y passe. La Francophonie ? C’est la Francofolie. L’OCAM ? C’est l’Organisation Commune des Africains Menteurs dont le 1er Président nigérien n’est que le pigeon voltigeur. Phraseur émérite, le Vieux Crocodile de Yamoussoukro l’avait recruté lui Sékou, l’avait formé à Treichville pour en faire un harangueur de foules, un agitateur. C’est une réussite ! Pour bâtir, ne comptez pas sur lui. Pour insulter, détruire et voler, c’est un vrai gars. Il n’y a qu’à comparer Yamoussoukro à Faranah…
Plus anti-français que Sékou, tu meurs. Notre jeunesse a été bercée par ses discours-fleuves où il a fustigé la méchante et mauvaise Tante Marianne. La Voix de la Révolution sa Radio Privée avant que Kadhafi ne lui offre une Télé, était rompue aux édito où les pisse-copie de service se fendaient en injures antifrançaises pour plaire au Mansa des Mansa (Roi des rois, en malinké, NDLR). En Guinée, il supprime tout ce qu’avait laissé la colonisation. Et remplace le tout par le vide et les pendoirs pour exécuter ses compatriotes. C’est un grand destructeur de systèmes, d’hommes et d’édifices. Par exemple, le Code Foncier et domanial, la Justice, l’École, l’Institut Pasteur de Kindia, la Station Quinquina de Sérédou, le Musée de Dalaba et celui de Youkounkoun, les Lycées Classique et Technique de Donka…
Sékou avait pris Houphouët et Senghor pour des idiots qui méprisent l’Afrique et leurs pays qu’ils ont vendus à l’Impérialisme et au capitalisme internationaux. Dans les faits Sékou, ce fut le paradoxe perpétuel. Il se disait révolutionnaire. Il était partisan d’un développement non capitaliste tout en ne se prononçant pas pour le Socialisme. Dans son pays, il a fait la guerre aux commerçants, aux industriels et autre secteur privé guinéen, la fameuse bourgeoisie compradore tout en favorisant les multinationales à Kamsar et à Fria. Un journal zaïrois de l’époque, Salongo, avait dit de lui que « Sékou Touré aboie à gauche et bouffe à droite ».
Même dans sa mort, il a été un paradoxe. Ennemi du capitalisme, il a choisi non pas Pékin, Moscou ou Cuba pour disparaitre, mais Colombus dans l’Ohio, chez l’Oncle Sam. Il a passé son temps à chanter le Peuple à qui il a fini par se substituer, lui le Responsable Suprême de la Révolution, Fidèle et Suprême Serviteur de ce Peuple, il n’a donné à ce Peuple ni eau, ni électricité, ni routes, ni écoles, ni rien d’autres que des cadavres, des discours, l’isolement et la pauvreté. Pendant ce temps, les méchants et nuls Senghor et Houphouët donnaient satisfaction aux besoins sociaux de base de leurs compatriotes et contemporains. SODECI, EECI, SICOGI, SOGEFIHA, SICAP…
Où est le Peuple que le PDG, Parti- État et son Homme-Peuple ont servi?
Autre paradoxe sékoutouréen. Aucun chef d’État africain n’a autant chanté l’Unité africaine. Mais, à sa mort, aucune route bitumée ne relie la Guinée à un pays voisin. Même pas un pont digne de ce nom. Surtout pas sur le Niger vers le Mali, avec qui nous avons un même corps et deux poumons. Sékou a mené une guerre sans merci contre les Guinéens qui allaient vers le Sénégal et la Côte d’Ivoire. A Mali, on se souvient encore de l’Année 1975, année où Wara Liila (Tue et expose au soleil, une manière de définir Sékou Touré, en peul, NDLR) et ses assassins avaient tellement tué de Navétanes, ces travailleurs saisonniers guinéens, qui allaient au bassin arachidier sénégalais pour vendre leur force de travail. Leurs cadavres étaient jetés à l’air libre. La saison des pluies de cette année-là arrive. Les eaux de ruissellement charrient les restes de ces pauvres diables vers les cours d’eau. Les villageois ont bu cette eau et bonjour les diarrhées. Une épidémie qui a fait des ravages, une autre avant notre actuel ébola national…
En 1981, au moment de notre séjour au Camp Boiro, nous y avons trouvé des Ivoiriens, des Bétés. Parmi eux des opposants à Houphouët qui n’avaient rien compris et deux autres qui, sur une moto, partis du Sénégal voulaient rejoindre leur pays en passant par la Guinée. Eux aussi n’avaient rien compris.
L’Histoire et la France se sont suffisamment vengées de notre sinistre 1er Président et ses inconditionnels et anachroniques défenseurs actuels. D’abord, Sékou a toujours insulté la France et sa civilisation en français ; il a craché sur la Francophonie dans la langue de Molière. En tenant compte de toutes les subtilités de cette langue telles que codifiées par l’Académie française et amplifiées par Maurice Grevisse, Édouard et Odette Bled ou Vaugelas et Bescherelle.
Ensuite, en 2014, la Guinée-Conakry, notre Guinée que nous prenons pour le centre du monde, celle que nous croyons courtisée par tous les investisseurs de la terre et du ciel, notre Scandale géologique sur lequel avec extase nous nous pâmons, cette Guinée-là est peu connue. Hors de chez nous. Sauf pour ses Camps Boiro, ses 28 Septembre 2009 et… son Ebola qui n’a été importé de nulle part. C’est une production, une fois n’est pas coutume, typiquement guinéenne.
Suprême ironie de l’Histoire, en cette année 2014, qu’est ce qui n’est pas français en Guinée ? L’École ? La France est notre premier et principal appui. Le système bancaire ? Il est dominé par la BICIGUI et la Société Générale de Banques en Guinée c’est-à-dire BNP-PARIBAS et l’AFD et la Société Générale de France. Le carburant et les essenceries ? Si TOTAL nous lâche, la Guinée est à sec. Le Port de Conakry ? Bonjour Bolloré. L’aéroport de Conakry, unique et meilleur du pays ? Ce sont les Aéroports de Paris. Avec notre Ebola national, après Dakar, il a fallu Lyon pour comprendre ce qui nous arrive. Et si Air France se fâche et refuse de venir dans notre moche capitale, la quarantaine de notre pays sera totale. Et ce n’est ni la Gambie ni le Sénégal qui viendront à notre secours. Même si les eaux qui les arrosent son respectivement nées à Hoorè-Dimma, Tountouroun, Labé et Mamou. Ces deux pays nous ont montré l’étendue de la solidarité ouest-africaine.
Pour couronner le tout, même le Président de notre République, notre Grimpeur national, nous l’avons importé de France et de Navarre! On l’oublie trop souvent.
BAH MAMADOU LAMINE