Pourquoi tant d'amour pour l'Ouganda? Éléments de réponse
L’Ouganda s’achemine vers des élections présidentielles dont beaucoup de jeunes du pays ne doutent pas du résultat final, du moins d’après les conversations que j’ai eues récemment à Kampala, surtout avec les jeunes. Pourtant, j’aime ce pays.
Certains de mes amis s’étonnent, d’ailleurs, de mon attachement à l’Ouganda. Effectivement, ce pays occupe une place importante dans mon coeur pour les efforts qu’il a fourni pour sortir des conditions difficiles dans lesquels il avait été plongé par l’instabilité politique, la dictature et la guerre.
Lorsque je visite Kampala aujourd’hui, je ne peux pas ne pas penser à mes précédentes visites et d’admirer les progrès réalisés, depuis la première. Pendant ma vie professionnelle j’ai visité cette ville deux fois. La première fois, c’était en 1979, dans le cadre d’une mission conjointe des principales agences des Nations Unies pour l’identification et l’évaluation des besoins du pays en assistance urgente après la période difficile de dictature et de guerre civile qui avait conduit à la chute du sanguinaire et cannibale Idi Amin Dada. Je devais coordonner personnellement le domaine industriel.
Les conditions de vie étaient tellement difficiles que nous avions du apporter le pain et des biscuits depuis Nairobi car on ne trouvait rien à Kampala. Les principaux fonctionnaires du gouvernement étaient logés, tout comme nous, dans l’hotel Continental, si mes souvenirs sont bons, qui est devenu de nos jours l’Hotel Sheraton. Dans les corridors aux étages, il n’était pas rare de voir des enfants faire leurs besoins. Pour avoir de l’eau pour la toilette, nous devions nous lever le matin entre 4 heures et 6 heures.
Je suis retourné à Kampala, en 1990 toujours en mission pour le compte de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI). Cette fois-ci, c’était pour la promotion de la Journée de l’industrialisation de l’Afrique, qui avait été proclamée à Harare par la 9ème Conférence des ministres africains de l’industrie, en 1989. La situation économique du pays s’était beaucoup améliorée. L’hotel offrait le même confort que tous les hôtels internationaux de la même classe, à des prix nettement plus bas.
Durant ma mission au Rwanda dans le cadre de la MINUAR2, j’y suis retourné pour fêter la fin de l’année 1994, avec ma femme. Pour le réveillon, il y a du monde habillé de manière luxueuse, sans être à vrai dire très élégant. Ce qui nous a frappés a été de voir même les enfants habillés à l’occidentale d’une manière trop élégante pour leur petit corps. Les garçonnets ressemblaient à des hommes en miniature avec leurs complets 3 pièces et cravatte. Quant aux fillettes, en plus d’être maquillées comme de grandes dames, elles portaient des habits brillants et trop sophistiqués pour leur âge. C’était comme un Carnaval, au début de janvier!
Ce n’est que lors des visites successives, en 2015/2016 que j’ai pu apprécié les beautés de Kampala et de l’Ouganda en général. Ce qui frappe le plus depuis la sortie de l’aéroport c’est la propreté que l’on retrouve partout. On ne remarque pas tout de suite que les gens ne fument pas dans les lieux publics. Ce n’est que lorsqu’on ne voit pas de mégots par terre dans les rues ou devant les magasins que l’on se rend compte de ce fait. En outre, malgré les plaintes des kampalais de la circulation et de la manière de conduire des autres automobilistes, il y a une certaine discipline sur les routes et un grand respect du code de la route.
Ensuite, ce qui attire immédiatement l’attention du visiteur, c’est la riche biodiversité: paysage verdoyant, oiseaux de toutes les tailles, papillons et fleurs multicolores. Dans le quartier de Mbuya, où habite la famille de mon fils, dans un un compound de quelques villas, j’ai été surpris de voir des singes qui sautaient dans les arbres ou marchaient sur les toits ou encore jouaient au bord des deux piscines.
En janvier 2016, visitant le centre de conférences qui a abrité la réunion des chefs d’état et de gouvernement du Commonwealth en 2007 à Munyonyo, dans la banlieue de Kampala, ébahi par la splendeur des lieux avec cette végétation luxuriante offrant une grande variété de la couleur verte, des fleurs et des papillons, bercé par les flots de l’omniprésent lac Victoria, j’ai demandé à une amie combien de mois dans l’année toute cette splendeur allait durer. Elle m’a répond tranquillement que c’est ainsi toute l’année. Je me suis alors mis à rêver à une capitale de la Guinée située à Dalaba ou à Sérédou. Adieu moustiques et chaleur avec les climatisations polluantes!!!
La Nature a été généreuse avec ce pays. L’Uganda Wildlife Authority (UWA) rappelle qu’elle gère dix parcs nationaux offrant le meilleur en matière de biodiversité de l’Afrique de l’Est. L’Ouganda, la « Perle de l’Afrique », exhibe plus de 1000 espèces d’oiseaux – dont plusieurs ne se trouvent nulle part ailleurs sur la planète, 13 types de primates, y compris plus de la moitié des gorilles de montagne en voie de disparition dans le monde. Le seul Parc national Reine Elizabeth, qui couvre près de 2000 Km carrés, compte 57 types de plantes et d’arbres, 95 espèces de mammifères et plus de 600 espèces d’oiseaux.
Ce charme stimule une réelle croissance du tourisme. Devant les envois de fonds des émigrés et le café, ce secteur a constitué l’année dernière la principale source de revenus en devises pour le pays avec 1,4 milliard $ de contribution dans le budget national pour l’exercice 2013/2014, contre 1,1 milliard $ l’année précédente.
Malheureusement, toute cette richesse environnementale risque de subir de profonds bouleversements dans les années à venir. En effet, des réserves importantes de pétrole ont été faites, en particulier dans le lac Albert. Ce lac qui contient une partie du parc national des Murchison Falls, le plus grand du paysavec sa superficie de 5 308 km2. C’est dans ce lac, d’environ 160 kilomètres et 30 kilomètres de large, avec une profondeur maximale de 51 mètres, situé à une altitude de 619 m au-dessus du niveau de la mer, la plus basse du pays, que des réserves importantes de pétrole ont été découvertes. Celles-ci sont les troisièmes réserve plus importantes de l’Afrique subsaharienne, derrière celles du Nigeria et de l’Angola. Ces réserves de pétrole pourront faire de l’Ouganda un des premiers pays exportateurs d’or noir et de gaz, après avoir satisfait ses besoins internes.
Mais les risques sont sérieux surtout lorsque je pense aux conséquences du comportement insouciant des compagnies pétrolières dans d’autres parties de l’Afrique, en particulier dans le Delta du Niger.
On respire un climat de tranquillité et de sécurité à travers le pays. J’ai trouvé la gentillesse des gens simplement incroyable. Les exemples ne manquent pas. Voulant aller à pieds de Mbuya au centre commercial Village Mall, avec mon computer en mains, j’ai demandé à trois amis s’il n’y avait pas de risque. Tous les trois m’ont assuré que je n’en courrais aucun. Pendant tout le mois de janvier 2016 que j’ai été à Kampala, j’ai fait le même trajet chaque jour sans rencontrer aucun problème. Au contraire, sortant du compound où j’habitais, il m’est arrivé sans que je le demande que des personnes qui passaient dans leur voiture s’arrêtent pour m’offrir un passage, allant jusqu’à dévier de leur chemin pour m’accompagner à mon lieu de destination.
Autre exemple! Avant de revenir à Rome, je voulais visiter des appartements meublés en location. Je suis allé aux appartements Valley Court. Au premier étage à l’entrée, dans le corridor, j’ai trouvé un homme d’un age comparable au mien, assis devant une petite table en bois de production locale. Après les salutations d’usage, je lui explique l’objet de ma visite. Il me répond que les appartements ne sont pas pour un homme comme moi. Ils sont pour les étudiants de l’annexe de l’université Makarere qui se trouve en face.
Me voyant déçu, il me demande le budget maximum que je voulais consacrer à ma location. L’information obtenue, il me donne son nom et son No de téléphone en me disant de retourner le lendemain à 10 heures parce qu’il voulait m’aider. Le lendemain, j’arrive quelques minutes avant l’heure convenue. Lui aussi, 10 minutes avant l’heure il franchit le portail. Dès qu’il me voit, il prend son téléphone pour demander à quelqu’un de m’accompagner voir un logement. Je lui dis que j’avais mon propre chauffeur. Je l’appelle. Il lui explique où il devait m’accompagner.
Dès qu’on sort de là, le chauffeur me demande comment j’avais fait pour connaître cette personne. Je le lui explique. Il me dit que c’était une des personnalités les plus riches du pays et que l’ensemble des bâtiments que je voyais là lui appartenait (voir photo qui ne montre que l’entrée). C’est un ensemble 4 bâtiments de 4 à 6 étages flambant neufs. Il me montre une grosse Mercedes mono-volume qui lui appartenait.
Fait sans précédent ailleurs, en vue des élections du 18 février, un deuxième débat entre les candidats télévisé a eu lieu il y a deux jours sur la chaine nationale, auquel meme le Président sortants participé. J’espère qu’elles se dérouleront sans violences, bien que le gouvernement ait annoncé avoir formé 11 millions de “crime preventers” disséminés dans tout le pays. Les raisons d’avoir des craintes sont sérieuses comme l’ont dénoncé les grandes organisations internationales non gouvernementales de défense des droits humains.