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Pourquoi et comment de 1959 à 1984, la Guinée a-t-elle été le théâtre d’arrestations massives et successives. Partie II

loin de chercher à rétablir la vérité, les présidents qui se sont succédés au pouvoir avaient de bonnes raisons d’entretenir le culte de la personnalité

Révisé le 28 janvier 2022

Il est difficile d’échanger des propos avec de nombreux jeunes parce qu’ils ont grandi dans un contexte mensonger en ce qui concerne les premières années de l’histoire de la Guinée indépendante. En effet, loin de chercher à rétablir la vérité, les présidents qui se sont succédés au pouvoir avaient de bonnes raisons d’entretenir le culte de la personnalité de cet exterminateur de masse que fut Ahmed Sékou Touré. Après le coup d »état qui a porté les militaires au pouvoir à sa mort en 1984, c’est son aide de camp Lansana Conté qui est devenu Président. Il n’a jamais caché son admiration pour son maitre, allant jusqu’à nommé la présidence de la république Sékoutouréya (chez Sékou Touré).

Ce billet est extrait du livre de Alsény René Gomez « Camp Boiro. Parler ou périr »

Une élection perdue

En juin 1954, profitant d’une élection législative partielle à la suite du décès du député Yacine Diallo, Sékou Touré s’était présenté à la députation. Il fut battu par Barry Diawadou, mais il n’oublia jamais cet échec et le fit payer plus tard à son concurrent et à la famille de celui-ci par l’arrestation de :

— Yaya Barry (1968), un frère de Diawadou, exilé en Côte d’Ivoire, revenu en Guinée pour des condoléances après le décès de sa mère.

— Barry Diawadou (avril 1969) et son exécution le 27 mai 1969 au pied du mont Kakoulima près de Conakry.

— Barry Amadou, jeune frère de Barry Diawadou, incarcéré à Boiro une première fois en 1969, puis une seconde fois en 1971.
— Barry Aguibou, cousin de Barry Diawadou.

Pis, le père de Diawadou, l’Almamy Aguibou Barry, de Dabola, sera quant à lui interdit de séjour chez lui et mis en résidence surveillée en 1969 à Boffa à plus de 500 Km de sa ville pendant plusieurs mois.

Un accouchement fatal

La mère de Sékou Touré est morte après sa naissance au cours d’un autre accouchement, alors qu’elle était à la maternité sous la responsabilité du Docteur Kantara. En représailles, la famille Kantara sera elle aussi mise à contribution par l’arrestation de :

— Emile Kantara, son fils, en 1971. Emile était en service à la société minière Fria; il fut libéré en 1978.

— Alain Kantara, frère cadet de Emile, en 1972, libéré en 1978

— Marie Kantara, la soeur en 1971, libérée en 1978

Lire également : Les faux complots dénoncés par le tyran Sékou Touré après 1977

Remise en cause du cumul de postes

En novembre 1962, au séminaire préparatoire du 6ème Congrès du PDG, à Foulayah (Kindia), trois hauts dignitaires du parti demandent à cette occasion le respect des règles du parti à savoir : Que les membres du Bureau Politique soient choisis parmi les militants et élus par tous les membres du parti, alors que Sékou Touré voulait coopter Toumany Sangaré et Keita Fodéba, qui n’avaient jamais occupé de poste de responsabilité au sein du Parti. Que les statuts prévoient qu’il ne puisse pas y avoir de cumul de postes pour le Président de la République, avec celui de Secrétaire Général du parti. Cette remise en cause avait été faite par Bangaly Camara, Tounkara Jean Faragué, Camara Loffo.

Conséquences

Le Conseil National de la Révolution (CNR) convoqué à Kankan en août 1963, est transformé en 7ème congrès extraordinaire, avec pour résultats :

— La réduction du nombre des membres du Bureau Politique (BPN) de 17 à 15, entraînant l’exclusion de Bangaly Camara et Tounkara Jean Faragué.

— Puis le 8 novembre 1964, Bangaly Camara et Tounkara Jean Faragué sont démis de leurs postes de Ministres.

Lire également: Comment est né le faux « complot peul » de Sékou Touré 

— Finalement, en 1965, Camara Bangaly et Tounkara Jean Faragué seront arrêtés. Camara Bangaly y laissera la vie et son compagnon, Tounkara, sera libéré après quelques années. Mais en 1969 Tounkara Jean Faragué sera de nouveau arrêté puis libéré. En 1971, il sera arrêté pour la 3ème fois en compagnie de son épouse, et de sa fille Yolande. Ils seront libérés tous les trois quelques années après. Quant à Camara Loffo, ancien Ministre, elle fut arrêtée en décembre 1970, et fusillée le 25 janvier 1971.

Des « grandes familles » comme cibles ?

On retrouve au niveau des différentes régions de la Guinée des familles plus connues que les autres pour des raisons diverses :
— Soit pour de hauts faits enregistrés au cours de notre histoire
— Soit pour leur érudition
— Soit pour leur fortune
— Soit pour leur position sociale pendant la féodalité ou le régime colonial.

Lire également : Le coup monté par Sékou Touré contre Keita Fodéba, Kaman Diaby, Barry Diawadou et Nabi Youla

Nul doute qu’elles ont payé un lourd tribut à l’occasion des différentes vagues d’arrestations. Cette hypothèse trouve ses motivations dans les « manipulations » de l’histoire par Sékou Touré afin d’amarrer sa descendance à celle de l’Almamy Samory Touré, qui s’était illustré dans la résistance contre la pénétration coloniale dans notre sous-région.

Trompé par son entourage ?

Cela n’est pas impossible, si l’on retient l’hypothèse d’une personne qui avait eu l’occasion de discuter librement avec lui ; je veux nommer l’ambassadeur André Lewin lorsqu’il écrit :

— Mais il est tout à fait possible qu’il n’ait pas su dans le détail que les hommes chargés des interrogatoires en profitaient pour régler leurs comptes, pour se livrer à des luttes d’influence et cherchaient à briser des concurrents éventuels.

La rancune ?

Elle pourrait aussi expliquer certains comportements.

Un échec non digéré

En effet en 1936, Sékou Touré ne fut pas admis à l’école primaire supérieure Camille Guy de Conakry, il fut donc orienté vers l’école professionnelle Georges Poiret. Comme conséquence, il se sentira toujours humilié de n’avoir pas été reçu à l’EPS. Il en rendra responsable son maître d’école, Fodé Bocar Maréga. La famille Maréga fut mise à contribution plusieurs années après, par l’arrestation de son fils, Docteur Maréga en 1969, et son exécution en janvier 1971.

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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