Gouvernance : Les leçons de Sékou à Alpha
Sur le Lynx du 20 décembre 2020, Bah Mamadou Lamine a procédé à une analyse parallèle entre les manières de gouverner du tyran Sékou Touré et de l’opposant éternel et actuel président Alpha Condé, ou Alpha Grimpeur. |
Dans tous les pays démocratiques, la société civile et les partis politiques sont des institutions de contre-pouvoir qui se donnent pour mission de protéger les citoyens de la toute-puissance de l’exécutif. Ils sont indispensables à toute démocratie. Il y doit y avoir une interaction dynamique entre parti au pouvoir et opposition. Tout cela s’adossant sur une justice indépendante et forte.
La Guinée dans sa configuration géopolitique actuelle est une création française. Notre modèle, la France, est une République traditionnellement très centralisée qui donne des pouvoirs surdimensionnés au Président de la République. A cette réalité s’ajoutent nos spécificités locales. Dans tous nos quant-à-soi ethniques, le chef est perçu comme un Dieu qui exerce sur tous un droit de vie et de mort. Lui demander des comptes, le critiquer est un crime de lèse-majesté. Cette réalité anthropologique est renforcée par les pratiques islamiques. L’Islam de chez nous, c’est « l’Islam Noir » de l’inoubliable Vincent Monteil. C’est un syncrétisme, une salade mêlant religions pré islamiques et islam originel. Tout est prêt pour concevoir « le roi-ègre » tel que décrit par les premiers anthropologues européens parcourant l’Afrique dans un rôle messianique de civilisateurs des peuples primitifs que nous sommes.
Le chef, le roi, le président est de droit divin. C’est Dieu qui l’a mis là. Il est là pour régner. On doit lui obéir, être à son service. Le pays et ses habitants lui appartiennent. C’est le Mansa, le Landho. Il n’a aucune obligation de compte rendu. Il n’a aucun service à rendre à personne. Le problème, c’est que cette perception pré-démocratique et pré-coloniale du chef parasitaire est partagée par nos Politiciens modernes ! Lorsque le Président arrive au pouvoir, il doit y rester à vie. C’est-à-dire jusqu’à sa mort naturelle.
En Guinée, Sékou Touré arrive au pouvoir en 1958. Syndicaliste verbeux et, théoriquement habitué aux débats contradictoires, il refuse ou est incapable de commencer la construction d’une Nation.
Il viole toutes les lois, à commencer par la Constitution qui prônait le multipartisme. Refusant toute contradiction, il embastille et tue tous ceux qui osent dire qu’il n’a pas raison ou qu’il ment. Très vite, sur fond de terreur, il est déifié. Ne disposant d’aucune vision positive de la Guinée, il est incapable de sécuriser nos frontières, de renforcer la Justice moderne naissante et d’élaborer un Code foncier et domanial, après avoir détruit le Code colonial. Or, c’est universellement connu : la Terre est notre première richesse. Elle nous nourrit et finit par se nourrir de nous.
Dans l’administration publique, il supprime les fonctions de contrôle a priori et a posteriori de l’action des services publics. C’est la disparition des inspections de toutes sortes. C’est l’une des raisons pour laquelle il avait très tôt fait assassiner Balla Camara, l’exceptionnel fils de Macenta qui y tenait. Dans les recrutements dans la fonction publique, on privilégie les militants béni-oui oui aux techniciens compétents. La meilleure illustration de ceci, c’est les nominations des administrateurs territoriaux. Des nullards ramassés dans les WC sans eaux des permanences du Parti. Il refuse de renforcer les institutions, y compris les contre-pouvoirs : syndicats, presse. Il criminalise l’opposition et les opposants. Il détruit l’école et l’éducation civique qu’il réduit à la connaissance de ses discours haineux et stupides. Par la suite, il s’en prend aux ethnies et fait tout pour détricoter le tissu social. Le résultat, il est connu : nos frontières ne sont pas sécurisées, les Guinéens ne connaissent pas leurs institutions publiques, l’injustice est souveraine…La guerre contre les diverses composantes de la Nation est l’exercice favori des acteurs politiques.
Comment devient-on président à vie ? La leçon de Sékou Touré a servi à tous ses successeurs. D’abord, semer la terreur dans le pays sur le modèle de Robespierre au cours de la Révolution française. La construction des camps Boiro et les pendaisons du 25 janvier 1971 vont jouer ce rôle. Des gens sont pendus dans toutes les préfectures avec obligation pour tous les citoyens d’aller « voir » le spectacle. La leçon va porter. Sékou devient une vraie terreur qui faisait trembler tous ses interlocuteurs dont certains mouillaient leurs habits chaque fois qu’il les convoquait…S’appuyer sur son ethnie, ses copains et ses coquins en les plaçant aux postes stratégiques à savoir :
–là où il y a l’argent : finances, budget, ports, aéroport, banque centrale, douanes…
–en plaçant ses hommes aux Affaires étrangères ; des vieillards qui ont tout raté dans la vie y compris leur retraite. Ils en profitent pour se rattraper en volant à tours de bras.
-en maitrisant les moyens de communication de masse. Aujourd’hui, cela devient de plus en plus difficile avec les réseaux sociaux.
– en ne recrutant dans l’armée et les FDS que les gens de son ethnie. Ces institutions si fondamentales se transforment en milices ethno politiques.
Depuis son arrivée au pouvoir, Alpha n’a pas fait autre chose. Aujourd’hui, comme naguère avec le PDG, le RPG est devenu un Parti-Etat.
Lors de la transition, on avait suggéré à la Guinée de réformer le secteur de la sécurité, vu l’état lamentable qu’il présentait à l’époque. L’Union africaine et l’assistance internationale avaient donné les ressources. L’Etat RPG a happé ces sous et déformé davantage le secteur.
Résultat, ce secteur est devenu un repaire de tueurs, de voleurs, de violeurs, de casseurs. Ils sont formés et formatés pour détruire les Guinéens toutes régions confondues. Tous ceux qui osent s’opposer à la pensée unique. Et surtout les Peulhs qu’ils arrosent de violences verbales du type : « On va vous exterminer, jamais un Peulh au pouvoir, etc. »
On les voit à l’œuvre en Basse Guinée, en Forêt et en Moyenne Guinée. En Haute Guinée où tout est permis contre les non Malinkés, ils s’illustrent par leurs complicités lorsqu’il s’agit de casser du Peulh et du Soussou, surtout à Siguiri, Kankan et Tokounou.
Les leçons ont porté. Sékou est mort au pouvoir. Comme Conté. Le Grimpeur s’y prépare pour ad vitam aeternam grâce à un Nième mandat. Qui va oser s’y opposer ? L’Axe Bambéto-Cosa ? Le FNDC ? L’UFDG et l’Anad ? L’Ufr ? Leurs leaders sont en taule ou humiliés. Leurs militants croupissent dans les prisons de Conakry, de Soronkoni et dans les fausses communes de Damaro à N’zérékoré !
L’Axe Bambéto-Cosa est la seule incarnation du concept universel de société civile. Dont les militants osent défier les FDS. Malgré leur cruauté. On va détruire cet « Axe du Mal ». Pour cela on peut compter sur le général Ansoumane Camara alias Bafoué et les multiples escadrons de la mort et les milices, notamment celle de 3 000 hommes dont s’est publiquement vanté le sieur Malick Sankhon.
Il peut toujours compter sur Damaro, le pyromane qui incite à la haine et à la violence. Et qui a été récompensé par la femme-bouclier que ses hommes lui ont offerte. Ils sont tous Konyanké. Dailleurs, Ansoumane, ce fils de Beyla est surnommé par les jeunes de l’Axe, « le tueur de Peulhs,» tdp pour les intimes ! La répression des manifestants qui osent réclamer leurs droits est confiée aux Konyankés que le même Damaro a magnifiés dans un discours épique. En réalité, ce sont des reliquats de rebelles transformés en grands spécialistes de cruautés. On les a vus, selon le Président de l’actuelle Assemblée nationale privée du RPG, à l’œuvre en Sierra Leone. Ils coupaient les bras et/ou les mains de leurs adversaires selon le rituel cruel de« manches courtes ou manches longues » !
Ils se sont illustrés, toujours selon lui, au Liberia et en Côte d’Ivoire. Récemment on a vu dans le pays d’Alassane Ouattara, une personne décapitée. Sa tête, récupérée est transformée en ballon par ses tueurs ! Une inhumanité digne de Samory, le fameux résistant à la pénétration française et vendeur d’esclaves malinkés au Fouta précolonial. A l’époque déjà, les esclaves invendus devaient être décapités et leurs têtes restituées à Samory. Une sorte de pièce comptable quoi !
La répression des manifestants et le maintien d’ordre est, sous la gouvernance du Président Alpha Condé un business, oui un business. Les FDS arrêtent, plutôt kidnappent des jeunes gens et des jeunes filles. Et les font libérer contre une rançon qui peut monter selon la tête du « client » à plusieurs millions ! Dans quelle mesure la hiérarchie policière n’est pas impliquée dans ce gangstérisme ? Pour le partage. Cette question est obsédante parce que, malgré les dénonciations, malgré les plaintes, le Grimpeur continue à féliciter ses agents…
A écouter le programme de société du RPG selon son mentor, la réconciliation nationale ne figure pas dans l’agenda. Et les tueurs du Konyanké de la CMIS ont transformé le quartier de Wanindara en copie conforme du Ghetto de Varsovie !
Bah Mamadou Lamine