Guinée: Chaque année, des souffrances pires que celles de l'année précédente
Lors de ses 51es Assemblées générales annuelles, tenues à Lusaka, Zambie, 23 au 27 mai 2016, le Groupe de la Banque africaine de développement a publié ses Perspectives économiques en Afrique 2016. C’est l’occasion pour lui de présenter l’évolution de chaque pays membre au cours de l’année écoulée, de procéder à des projections pour le futur et de recommender aux gouvernements les politiques à suivre.
Pour l’ensemble des pays africains, on peut relever des motifs d’optimisme. en effet, on peut lire dans le communiqué de presse présentant le rapport en ce qui concerne la croissance des villes, que « les performances économiques de l’Afrique se sont maintenues en 2015, en dépit des turbulences mondiales et des chocs régionaux. Le continent est resté la région économique du monde qui a enregistré la deuxième plus forte croissance, derrière l’Asie de l’Est. »
Malheureusement, pour la Guinée, c’est toujours la même litanie, parce que les années se suivent, et le constat est toujours les même. On peut toujours justifier la descente aux enfers de notre population par l’épidémie du virus Ebola.
Notre président, au pire moment de l’épidémie d’Ebola, avait dit que « Ebola est une opportunité pour la Guinée« . Pour lui, c’est sans aucun doute une grande chance car il peut attribuer à cette tragédie toutes les défaillances de sa politique économique catastrophique.
Mais en faisant un pas en arrière, on peut constater que depuis l’élection du Président Alpha Condé la pauvreté n’a fait que progresser. Voici le tableau impitoyable qui résume les malheurs du peuple provoqués par une combinaison d’une croissance négative ou négligeable de son revenu pro-capite et une augmentation de l’inflation, etc. Quant aux autres indicateurs économiques, leur détérioration sont encore pires. Rien ne va!
De tous les pays qui ont été affectés par le virus Ebola, notre pays est le seul à enregistrer une croissance si minuscule. En effet, la Sierra-Leone, d’après le rapport consultable sur le site afdb.org, est l’autre pays qui a marqué le pas en 2014, avec un taux qui était prévu à 11,3 mais qui est retombé à 6.0 %. D’après les prévisions, il se contractera atteignant -2.5 % en 2015 avant de rebondir à 2.8 % en 2016.
Au Liberia, en 2014 la croissance a été de 1,8%, mais déjà en 2015 on s’attend à une progression réelle du PIB de 3.8 %, même si le revenu des ménages risque de ne se redresser que plus lentement.
Même les deux autres pays voisins de la Guinée qui ont rencontré de sérieuses difficultés de caractère politique et militaire encore plus anciens que la crise liée à l’épidémie du virus Ebola, la Guinée-Bissau et le Mali font mieux que notre pays. Dans la première, en 2014, la croissance est estimée à 2.6 % et à 3,9 en 2015. Quant au deuxième, le taux estimé à 1.7 % en 2013 est passé à 5.8 % en 2014 et pourrait 5.4 % en 2015.
Voici dans son intégralité le résumé du rapport sur la Guinée, élaboré par Olivier Manlan, Mamadou Bobo Sow:
- La fin de l’épidémie Ebola en décembre 2015 laisse un pays exsangue, avec une croissance quasi-nulle, un déficit budgétaire de plus de 7 % du PIB et de fortes contraintes de capacités pour accélérer les réformes indispensables à la relance du développement et à la transformation structurelle de l’économie.
- Les progrès tardent à se concrétiser dans les secteurs sociaux, alors que la pauvreté s’accroît, exacerbée par l’impact négatif d’Ebola sur les activités génératrices de revenus, ainsi que par les dépenses liées aux élections présidentielles.
- Face à une urbanisation accélérée et mal contrôlée, les pressions sociales deviennent plus fortes et la mise en œuvre de la Politique nationale de l’habitat (Vision habitat 2021) constitue l’une des priorités nationales qui devrait mettre les jeunes au centre des défis et des enjeux.
Pour la troisième année consécutive, la Guinée a enregistré en 2015 un bilan économique en forte régression, avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) estimée à 0.1 % en termes réels (soit une baisse du PIB par habitant de 2.7 %), contre 1.1 % en 2014 et 2.3 % en 2013. En cause : l’épidémie Ebola qui a frappé la sous-région, notamment la Guinée, la Sierra-Léone et le Libéria, entre décembre 2013 et décembre 2015. L’attentisme lié à l’élection présidentielle du 11 octobre 2015 y a également contribué, ainsi que la conjoncture économique internationale défavorable, qui se traduit notamment par une baisse des cours des produits d’exportation.
Outre cette baisse drastique de la croissance, le pays a connu un relâchement de la discipline budgétaire, lié notamment à l’accroissement des dépenses d’investissement dans les secteurs des infrastructures (routes, énergie, etc.). Conjugués à la faible mobilisation des recettes, intérieures et extérieures, cela a conduit à une aggravation du déficit budgétaire (7.5 % du PIB en 2015 contre 4.1 % en 2014), ainsi qu’à une réduction des avoirs extérieurs en devises (équivalent de 2 mois d’importations, contre 4 mois en 2013). Alors que de bonnes performances ont été enregistrées depuis 2011 dans la mise en œuvre du programme de Facilité élargie de crédit (FEC) du Fonds monétaire international (FMI), la plupart des critères de performances et objectifs indicatifs de l’année 2015 n’ont pas été atteints.
Néanmoins, les perspectives de développement devraient s’améliorer à partir de 2016 grâce à l’apaisement du climat politique et à la déclaration de la fin de l’épidémie Ebola, le 29 décembre 2015. En outre, l’engagement du gouvernement à redresser la situation macroéconomique et la forte amélioration de l’offre d’électricité, grâce à la mise en service du barrage hydro-électrique de Kaleta, contribueront à améliorer le cadre des affaires. Ainsi, à partir de 2016, le pays devrait renouer avec la croissance, avec un taux de 4.0 % en termes réels en 2016 et de 4.8 % en 2017.
À l’instar de nombreux autres pays en développement, la Guinée est confrontée à des défis majeurs liés à son urbanisation. En 2014, la population urbaine était évaluée à 3.7 millions d’habitants, soit 34.7 % de la population totale, contre 30.6 % en 1996. La croissance de la population urbaine résulte d’un accroissement naturel de la population, de l’exode rural et de la transformation des périphéries des centres urbains. Les villes ont évolué avec une accentuation du déséquilibre de l’armature urbaine, confirmant le poids prépondérant de la capitale qui comptait 1 667 864 en 2014 (15.7 % de la population du pays). Au nombre des principaux défis à relever, il faut noter le chômage des jeunes, l’aggravation de la pauvreté urbaine (l’incidence est passée de 23.5 % en 2002/03 à 30.5 % en 2007 et 35.4 % en 2012) et l’offre insuffisante de services publics de base, dont l’éducation, la santé, la sécurité et l’habitat décent.