Guinée: Après les violences, les excuses des gendarmes à une journaliste
J’ai écrit l’article suivant pour le réseau de blogueurs et traducteurs globalvoicesonline.org qui publie dans 21 langues à travers le monde. Je remercie Lova Rakotomalalaqui en a assuré la révision et la mise en page. Le titre original est:
Guinée : Agression d’une journaliste par la gendarmerie de Conakry
La gendarmerie guinéenne vient de faire un geste qui a surpris de nombreux citoyens, surtout parmi les professionnels des médias, suite à l’agression de la journaliste Kounkou Mara de la part d’agents chargés de la sécurité à la Banque centrale de la république de Guinée à Conakry le 27 février dernier. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Mme Mara, journaliste du journal privé Le Lynx, s’est vu refuser l’entrée à la Banque centrale de Guinée le 27 février dernier, malgré le fait qu’elle ait présenté sa carte de presse professionnelle aux gendarmes affectés à la sécurité de ladite institution et expliqué qu’elle devait interviewer son gouverneur.
La Journaliste Kounkou Mara, un jour après l’agression, photo publiée avec permission de la journaliste.
Le CPJ précise les détails de l’agression [fr]:
Les officiers de gendarmerie lui ont dit qu’elle constituait une menace pour la sécurité des employés de ladite banque et des agents l’ont ainsi jetée dans la rue. Les gendarmes l’ont poussé sans ménagement hors de la banque. Elle a déclaré s’être cognée la tête contre une voiture stationnée. Elle a souffert de multiples contusions sur son corps, soulignant qu’elle a dû aller à l’hôpital pour un traitement.
La journaliste Fatoumata Kéita de kaloum Presse donne [fr] les réactions de la gendarmerie suite à cette agression :
”Au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée aujourd’hui au Conseil National de la Communication, la gendarmerie nationale a reconnu le tort commis par ses agents. « Dès que le Haut Commandant de la Gendarmerie nationale, Directeur de la Justice militaire a été saisi de cet incident qui est de nature à saper la liberté de la presse, des instructions fermes ont été données et les éléments mis en cause ont été aussitôt mis à la disposition de la Direction des investigations judiciaires pour des fins d’enquête. Le Haut Commandement de la gendarmerie nationale réaffirme sa volonté de garantir la liberté de la presse en Guinée sans compter celles des libertés individuelles”.
Dans un language coloré, très proche de celui du journal satirique Le Lynx, le journal pour lequel travaille la journaliste agressée, Oumar Kateb Yacine donne lui aussi son compte rendu [fr] :
Le vendredi 9 mars 2012, un gotha d’officiers de la gendarmerie nationale était devant les journalistes de tout secteur confondu. Pas pour une conférence de presse. Mais pour une séance d’excuse.
Les pandores étaient venus demander pardon aux scribouillards, suite à une bavure commise par certains de leurs qui étaient en exercice de leur fonction au siège de la Banque centrale de la République de Guinée sur une consœur de la presse écrite privée, en l’occurrence Kounkou Mara du Groupe de presse le Lynx-la Lance qui, elle aussi, était en exercice de sa fonction.
En Guinée, depuis l’indépendance, l’impunité et l’arrogance des agents de sécurité et de tout ce qui symbolise l’état ont prévalu jusqu’à présent. Pour Boubacar Sanso Barry, qui s’exprime [fr] dans un billet paru sur Guinée Conakry Info :
Ce n’est pas tous les jours qu’entre gendarmes guinéens et professionnels des médias de ce pays, le courant passe. Et c’est pourquoi la cérémonie de ce vendredi au CNC avait quelque chose de particulier. Parce que, pour une fois, la gendarmerie et les journalistes voyaient dans la même direction.
La victime est une journaliste connue dans le pays pour son sérieux et appréciée pour sa compétence. Elle travaille depuis plusieurs années dans le groupe de médias Lynx-Lance, considéré parmi les plus crédibles du panorama médiatique guinéen. Le Lynx, un des premiers journaux satiriques d’Afrique, s’est forgé un langage particulier et ne ménage personne. La victime, une des meilleures journalistes du pays, a remporté le prix Hadiatou Sow [fr] du journalisme féminin qui récompense depuis 2010 les meilleures professionnelles dans ce métier.
Cette agression a créé une vive indignation des journalistes et des blogueurs guinéens et africains. Le blog africabusiness.com a publié [en] un billet citant Mohamed Keita responsable de la région Afrique au Comité pour la protection des jounralistes:
What happened to Kounkou Mara constitutes an assault, and authorities have an obligation to conduct a criminal investigation and bring appropriate charges. Guinea’s new democratically elected government has an opportunity to turn the page on years of abuse and impunity in security forces’ attacks on journalists.
Ce qui est arrivé à Kounkou Mara constitue une agression et les autorités ont l’obligation de mener une enquête criminelle et formuler les accusations appropriées. Le nouveau gouvernement démocratiquement élu en Guinée a la possibilité de tourner la page sur les années de violence et d’impunité dans des attaques des forces de sécurité contre les journalistes.
Sur le blog Guinee Conakry Info, la journaliste Salematou Diallo ajoute que :
Et c’est justement la nature gratuite et totalement infondée de l’agression qui a conduit l’ensemble des professionnels des médias guinéens, à sortir de leur silence pour condamner cette attitude qui procède certainement d’un excès de zèle et d un déficit de formation au sein des forces de défense et de sécurité nationales.
Salematou Diallo cite [fr] Martine Condé, Présidente du Conseil national de la communication (CNC) qui exprime son indignation tout en indiquant les limites de la liberté de la presse en Guinée :
”Les journalistes ne sont pas des ennemis à abattre ». Elle a saisi l’occasion pour rappeler que « les sources non accessibles sont celles relatives à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, à la protection de l’honneur et de la dignité du citoyen et au respect de l’instruction judiciaire ». Hormis ces dernières, précise-t-elle, la carte professionnelle donne au détenteur le droit d’accès à toutes les sources non protégées. Condamnant l’agression contre Kounkou Mara, Martine dit souhaiter de la part des autorités de la gendarmerie « des mesures disciplinaires à l’encontre des auteurs de ladite agression ».
Cet événement s’est vérifié quelques temps après l’adoption à l’ONU d’une résolution sur les droits de l’homme en Guinée. Traitant de cette résolution, Aboubacar Cissé a écrit [fr] dans un billet publié sur le site guineenews.org :
Si dans son rapport, la haut commissaire [Navanethem Pillay] indexe l’impunité sur les événements du 28 septembre 2009, elle reconnait cependant que “la discipline commence à revenir au sein des forces armées et que le secteur de la justice commence également à mettre en œuvre les recommandations faites au cours de ses états généraux, avec la nomination de nouveaux juges pour revitaliser le système judiciaire en Guinée”. Le document souligne d’autre part les efforts fournis pour l’établissement d’une institution nationale indépendante des droits de l’homme et en faveur de la commission nationale de réconciliation.
Plus d’un an après l’élection du Prof. Alpha Condé à la présidence du pays et la formation d’un gouvernement civil, il y a eu de nombreuses violations des droits humains et de violence excessive occasionnant même la mort d’innocents. Dans son billet Oumar Kateb Yacine, après en avoir rappelé quelques uns qui ont vu les forces de sécurité user de la violence contre des citoyens, a écrit [fr]:
Certes, on nous apprend que pour tous ces cas cités ci-haut, les auteurs ont été radiés de l’effectif et mis à la disposition de la justice. Reste à savoir ce que fera cette dernière. Une tâche qui, en principe ne devrait pas être ardue dans la mesure où le Général Baldé, chef du Haut Commandant de la gendarmerie nationale est celui qui dirige la justice militaire. Une occasion pour lui d’extirper l’épine de ses pieds en sanctionnant ces malfrats à la hauteur de leur forfaiture.
Dans cette vidéo, Kounkou Mara raconte [fr] sa mésaventure sur les ondes de Radio Espace, une radio de Conakry, suivi d’un débat entre des journalistes.
Ecrit par Abdoulaye Bah
Source: http://fr.globalvoicesonline.org/2012/03/16/102006/
Sujets | Liberté d’expression, Gouvernance, Droits humains, Médias citoyens, Femmes et genre, Média et journalisme |
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C’est des excuses pour la forme, sans aucune sincérité. Ce régime est dictatorial et le restera car Alpha Condé est un socialiste de type stalinien. D’ailleurs, il vient d’interdire un rassemblement de l’opposition au stade de Bonfi alors que le droit de rassemblement est reconnu par la constitution guinéenne.
C’est donc, la politique du « un pas en avant, deux pas en arrière »?