Incertitude politique en Éthiopie alors que les manifestations s’étendent
Au moins 15 personnes ont été tuées le 11 décembre 2017, lorsque des membres des Forces de défense éthiopiennes ont tiré sur des manifestants pacifiques. La manifestation était motivée par l’assassinat d’un citoyen par des membres des forces de sécurité de la région somali en Éthiopie, dernier chapitre d’un conflit frontalier [fr] de longue date entre les deux plus grands États fédérés éthiopiens: Oromia et Somali à l’est du pays.
Selon les rapports des autorités locales, une personne est décédée après avoir été transférée à l’hôpital après la charge policière, et plus de 12 ont été blessées dans les violences qui ont débuté à Chelenko, une ville de l’est de l’Oromia :
Comme des journalistes ont réussi à obtenir plus de détails, cette information de la BBC en Afaan Oromoo indique que cinq personnes de la même famille étaient parmi les victimes de Chelenko à Hararghe, Est de la région Oromia, qui ont été abattues lundi par les forces de défense nationales.
Des récits sur les médias sociaux ont révélé que des membres des Forces de défense éthiopiennes ont tiré à balles réelles sur des manifestants pacifiques. Le gouvernement éthiopien a publié une déclaration tardive sur l’incident, mais dans un geste inhabituel, le parti qui gouverne l’État d’Oromia – l’Organisation démocratique du peuple oromo (OPDO), membre de la coalition gouvernementale éthiopienne, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF)- a publié une vibrante déclaration accusant les membres des Forces de défense éthiopiennes de violer la Constitution éthiopienne, et promettant d’enquêter sur le meurtre de manifestants pacifiques :
Dans un communiqué de presse unique, le bureau régional de communication d’Oromia fustige le Premier ministre Hailemariam et les forces de défense pour avoir causé le massacre de Chelenqo. Le bureau a appelé les forces de sécurité de la région d’Oromia à se préparer à tout type de sacrifice.
Certains observateurs estiment que la déclaration est purement symbolique. D’autres y voient un signal de la lutte pour le pouvoir au sein de la coalition gouvernementale multiethnique, l’EPRDF, qui comprend quatre partis ethniques : le Front de libération du peuple tigréen (TPLF), l’Organisation démocratique du peuple oromo (OPDO), l’Amhara Mouvement Démocratique National (ANDM) et le Mouvement Démocratique Populaire du Sud Éthiopien (SEPDM) :
La coalition fictive du TPLF EPRDF en désarroi — l’OPDO a quitté la réunion du CC, et l’ANDM a également suivi aujourd’hui. Cette machination du TPLF est certainement à bout de souffle. Le TPLF doit partir ! Le pays a besoin d’une transition ordonnée avant qu’il ne soit trop tard.
La lutte de pouvoir entre les quatre partis gouvernementaux de l’EPRDF couve depuis l’été dernier. La dispute entre l’Organisation démocratique du peuple oromo (OPDO) et le Front de libération du peuple tigréen (TPLF) a été révélée lorsque Abdula, le président du Parlement éthiopien et membre éminent de l’OPDO, a démissionné [fr] de son poste en octobre :
L’apartheid du TPLF comme propagandiste du régime reformule la définition anglaise d’une “grande minorité”. Pour paraphraser un fameux dicton, “deux choses sont infinies : l’univers et la stupidité du TPLF; et je ne suis pas sûr pour l’univers”.
Le pouvoir est fortement concentré entre les membres du TPLF. Cependant, il y a une certaine crainte que si l’OPDO continue dans cette voie, il cherchera à se défendre en utilisant des armes, ce qui pourrait plonger l’Éthiopie dans une guerre civile qui fera que le conflit actuel semblera juste du rififi :
Les dirigeants du TPLF qui gouvernent l’Éthiopie devraient sérieusement envisager de demander une médiation du gouvernement américain pour organiser une conférence entre tous les partis pour définir un nouveau cadre démocratique – avant que la loi et l’ordre ne s’effondrent complètement.
Malgré le fait que les Oromo et les Somalis qui vivent le long de la frontière, s’étendant sur 1 000 km, entre les États de ces deux ethnies entretiennent des liens familiaux, religieux et culturels étroits, les tensions y sont fortes. Une répression brutale de la communauté oromo vivant dans la région somalienne d’Éthiopie a déclenché une catastrophe humanitaire massive dans l’est de l’Éthiopie. À ce jour, environ 50 000 Oromos ont fui [fr] vers la ville historique d’Harar depuis le mois d’août dernier.
Des manifestations ont également fait rage ailleurs en Éthiopie. Un affrontemententre les supporters de deux clubs de football des États du nord de l’Éthiopie, Amhara et Tigray, a entraîné la mort d’un fan de Tigray, ce qui a provoqué des épisodes de violence dans trois universités des États d’Amhara, d’Oromia et du Tigray. La semaine dernière a vu une nuit particulièrement violente à l’université d’Adigrat (située dans la région de Tigray), où un étudiant de la région d’Amhara a été tué. Des images horribles de la victime sont ensuite devenues virales sur les médias sociaux :
Incertitude politique en Éthiopie alors que de nouvelles manifestations d’Oromos se sont propagées en réponse aux massacres de civils soutenus par l’État en Oromia et aux affrontements entre étudiants dans certaines parties de l’État d’Amhara.
Dans ce qui semble être des représailles, deux étudiants du Tigré auraient été tués à l’université de Welega, située dans la région d’Oromia. Le nombre d’incidents et de blessés, comme celui des personnes impliquées et le caractère ethnique du conflit des derniers jours, ont soulevé la perspective d’une violence encore plus grande en Éthiopie, selon les analystes. Le gouvernement éthiopien qualifie à contrecœur les troubles récents de conflits ethniques, mais il pointe aussi du doigt les activistes et les médias sociaux de la diaspora. Cependant, les groupes d’opposition soutiennent que les politiciens tigréens ont provoqué la violence comme un outil de maintien du statu quo :
Commentant les récents affrontements dans les campus universitaires, il a dit qu’ils étaient différents des revendications précédentes des étudiants qui ont été traitées par le gouvernement. Les récents affrontements ont pris une nette dynamique ethnique et ont abouti aux meurtres d’étudiants, a ajouté le Dr Negeri.
Le 13 décembre, les services Internet mobiles et les services de médias sociaux ont été coupés dans la plupart des régions du pays pour tenter d’éviter l’aggravation de la crise.