Jean-Paul Alata Prison d’Afrique: Chapitre 2 Cabine technique. 3ème partie
Au bureau, Ismaël Touré est seul. Le ministre m’indique le siège. Oularé reprend sa place derrière moi.
— Hé bien. Alata. Je pense que vous êtes maintenant convaincu que vous ne pouvez pas nous résister? On ne vous a appliqué que le premier degré. Il y en a d’autres.
— Pourquoi avez-vous interrompu, monsieur le Ministre ? Ie n’ai encore rien dit qui puisse justifier un arrêt de ce traitement ?
Il se renverse, souriant, sur sa chaise.
— Nous avons pensé que vous aimeriez prendre connaissance de ceci, avant d’être en trop mauvais état.
Il pousse une lettre vers moi. Je n’arrive pas à la ramasser. Les poignets ne répondent pas à la volonté, les doigts sont morts. Il s’en avise.
— Oh, je vois que vous avez, déjà, quelques petits ennuis. Attendez, je vais vous l’ouvrir. Vous reconnaissez l’ecriture, je pense?
— Bien sûr. Elle est du patron [Sékou Touré].
Ismaël Touré sourit.
— Savez-vous que vous êtes pratiquement le seul à l’appeler ainsi?
Je ne peux retenir la repartie.
— Sans doute parce que je suis aussi le seul à le considérer vraiment comme tel.
Interloqué, il me regarde quelques secondes puis consent à rire.
— Bien, voici la lettre.
— Hé bien. Alata. Je pense que vous êtes maintenant convaincu que vous ne pouvez pas nous résister? On ne vous a appliqué que le premier degré. Il y en a d’autres.
— Pourquoi avez-vous interrompu, monsieur le Ministre ? Ie n’ai encore rien dit qui puisse justifier un arrêt de ce traitement ?
Il se renverse, souriant, sur sa chaise.
— Nous avons pensé que vous aimeriez prendre connaissance de ceci, avant d’être en trop mauvais état.
Il pousse une lettre vers moi. Je n’arrive pas à la ramasser. Les poignets ne répondent pas à la volonté, les doigts sont morts. Il s’en avise.
— Oh, je vois que vous avez, déjà, quelques petits ennuis. Attendez, je vais vous l’ouvrir. Vous reconnaissez l’ecriture, je pense?
— Bien sûr. Elle est du patron [Sékou Touré].
Ismaël Touré sourit.
— Savez-vous que vous êtes pratiquement le seul à l’appeler ainsi?
Je ne peux retenir la repartie.
— Sans doute parce que je suis aussi le seul à le considérer vraiment comme tel.
Interloqué, il me regarde quelques secondes puis consent à rire.
— Bien, voici la lettre.
« Mon cher Alata,
Je suis navré de ce qui t’arrive. Tu dois bien t’en douter. Je ne puis me désintéresser de ton sort. Si tu veux encore servir la Révolution, aide-moi à trouver la vérité. Ne me cache rien de ce que tu as fait.
Pense à ton épouse, à tes enfants et à moi-même qui voudrais, si tu t’en montres digne par le courage avec lequel tu feras ton autocritique, te conserver, intacte, toute mon amitié.
Bien fraternellement.
Sékou Touré. »
Les larmes affluent à mes yeux. Je suis brisé, d’un seul coup. Jusque-là, j’étais resté tendu comme un ressort, déterminé à refuser toute compromission. Le ton de cette lettre me terrasse.
J’acquiers la certitude que mon ami [Sékou Touré] m’a sacrifié, délibérément, qu’il a consenti que je serve des plans ambitieux et tortueux, qu’il a même accepté la torture que je viens de subir.
Je regarde Ismaël.
— Pourquoi me demande-t-il de penser à mon épouse, à mes enfants. Qu’entend-il par là?
— Ne faites pas l’idiot! Quand vous avez lu cette lettre, votre attitude m’a éclairé. Le président est persuadé qu’il existe entre vous une très réelle amitié, depuis vingt ans. Je ne le croyais pas et ai soutenu le contraire. Maintenant, je suis tenté de l’admettre. Le président reste cependant un homme d’État et, autour de lui, nous sommes décidés à régler définitivernent tous les problèmes. Oui, pensez à votre fils que je suis déterminé à amener ici si vous vous obstinez à nous résister, si vous faites fi de cette amitié qui s’offre à nouveau.
Il s’arrête quelques secondes, baisse ête, hésite, reprend enfin :
— Je le ferai même s’il me l’interdit. Je me suis pêtre trompé sur votre compte. Il est trop tard maintenant pour redistribuer les jeux et effacer le passé. Il faut aller de l’avant. Nous pouvons faire en sorte, tous deux, que ce passé même serve la Révolution, sauve la cause que votre ami défend depuis tant d’années. C’est en ce sens qu’il vous demande de penser aussi à lui.
Il s’arrête encore.