La Tanzanie réintroduit la taxe tampon
Le 13 juin 2019, le ministre des Finances et du Planning de Tanzanie, Philippo Mpango, a annoncé la décision de ré-introduire l’impôt sur les protections hygiéniques féminines (la “taxe tampon”) dans le budget 2019-2020. Ce faisant, il a déclenché un débat majeur sur l’impact de cette taxe sur les jeunes filles et les femmes.
L’an dernier, le même ministre proposait d’abandonner la taxe tampon.
Son annonce a déclenché une vive indignation du public, et tout particulièrement des femmes pour qui cette taxe est une forme de discrimination sexuelle. Le ministre a expliqué que l’exonération fiscale implémentée en 2018 n’avait pas eu l’effet escompté, à savoir de donner accès aux protections hygiéniques à des prix raisonnables pour assurer “une meilleure gestion de la santé menstruelle”.
Mais l’exonération en question n’avait pas réduit le prix au détail des protections hygiéniques : à la place, elle a permis aux marchands d’augmenter leurs prix et d’accroître leurs bénéfices.
Le ministre a déclaré qu’avec ce budget, le gouvernement réduira l’impôt sur le revenu des sociétés de cinq pour cent (de trente à vint-cinq pour cent) pour les investisseurs qui fabriquent les protections localement. L’objectif est d’attirer les investisseurs en question, créer des emplois locaux et réduire la dépendance dans l’import des produits hygiéniques.
Le prix des règles
L’annonce du 13 juin arrive quelques mois après que la ministre adjointe des Finances et du Planning Ashatu Kijaji en mentionne la possibilité. Le 23 avril, elle a expliqué que son ministère avait reçu des plaintes des consommateurs selon lesquelles les protections hygiéniques coûtaient toujours cher. Elle a insisté sur le fait que le ministère cherchait de meilleures options qui bénéficieraient à la fois aux femmes et au gouvernement, et a parlé de la taxe tampon dans ce contexte.
Plus tôt en 2019, le ministre de la Santé, du Développement communautaire, du Genre, des Personnes âgées et des Enfants Ummy Mwalimu avait déclaré que son ministère recevaitdes courriers demandant instamment une réduction du prix élevé des protections hygiéniques.
Le coût annuel moyen des règles en Tanzanie est de 36 000 shillings tanzaniens, soit environ 13,75 euros.
Les prix actuels des protection hygiéniques jetables vont de 2 000 shillings (0.77 euros) a 4 000 shillings (1,54 euros) selon la marque.
En réponse aux plaintes reçues, U. Mwalimu a écrit au ministère des Finances et du Planning et au ministère du Commerce et de l’Industrie, requérant qu’ils imposent aux fabricants de réduire les prix des protections hygiéniques.
En juin, la députée Upendo Peneza a demandé au gouvernement de fixer des prix indicatifssur les protections (un prix moyen et fixé). Mais Joseph Kakunda, le ministre du Commerce et de l’Industrie, a expliqué que le gouvernements ne peut fixer des prix indicatifs que pour les biens et services publics, et que les protections hygiéniques ne sont pas incluses dans cette catégorie.
Mme. Peneza a donc demandé une réunion entre le gouvernement et les différents acteurs pour discuter d’une façon dont une exonération fiscale des protections hygiéniques pourrait refléter les besoins des consommatrices, au lieu de ré-instaurer la taxe précipitamment.
« Tulikutana na wauzaji/wasambazaji wa pedi, walitueleza kwamba wauzaji/wasambazaji wa jumla wamepunguza bei, tena kwa vielelezo, shida ipo kwa wauzaji wa rejareja. Serikali lazima ianzishe mfumo wa namna ya kusimamia maslahi ya watumiaj wa mwisho »
Nous avons rencontré des distributeurs et des marchands de protections hygiéniques dans ce pays et ces commerçants nous ont informé, avec des illustrations, qu’ils avaient réduit leurs prix. Le problème, c’est que les prix n’ont pas diminué du côté du commerce de détail.
Mme Peneza poursuit :
Le gouvernement a pris en compte les opinions des femmes, il a pris en compte les opinions des Tanzaniens, il a pris en compte les opinions des députés de cette Assemblée et c’est pourquoi il avait supprimé la taxe. Revenons-y et asseyons-nous avec les parties prenantes des protections hygiéniques, les distributeurs, les consommateurs et toutes les autres organisations pour que nous puissions trouver un moyen que cette réduction puisse bénéficier aux citoyens. Cependant, se précipiter n’est pas une bonne chose. En 2016 j’avais dit qu’une exonération fiscale seule n’est pas suffisante. Cependant, le gouvernement doit créer un système qui protège les consommateurs. C’était ma position en 2016, c’était ma position en 2018 quand j’ai contribué à la même discussion.
Plusieurs députés se sont aussi prononcés contre la réintroduction de la taxe tampon. Ainsi, le député de Kigoma Ujiji, Zitto Kabwe, a argumenté que les règles étant un phénomène biologique, imposer les protections hygiéniques étaient une injustice faite aux femmes.
Pour la députée spéciale Sonia Magogo, un an n’est pas assez long pour que le gouvernement conclue à l’impossibilité de forcer distributeurs et marchands à adhérer à un contrôle des prix.
« Napinga suala la taulo za kike kurudishiwa kodi ikiwa ni mwaka mmoja tu tangu ile kodi imeondolewa. Naona huu ni muda mfupi kufanya tathmini kwamba imeshindikana kabisa kuwabana wafanyabiashara waendane na zile bei ambazo serikali ingezitaka”
Honnêtement, je suis aussi totalement opposée à la réintroduction de la taxe tampon. Je dis ceci parce que ça fait un an que la taxe a été supprimée et qu’elle a été réintroduite après peu de temps. Personnellement, je trouve que ce n’est pas assez pour évaluer l’impossibilité de forcer les marchands à adhérer aux prix que le gouvernement veut.
Elle poursuit ainsi :
Si le gouvernement a réussi avec les machines EDF, les sacs en plastique et les cartes d’identité pour les entreprises, je ne crois pas qu’il soit incapable de contrôler les marchands sur une question aussi sensible pour les femmes. Aucune femme ne choisit d’avoir ses règles, qu’elle soit extrêmement pauvre ou riche.
La pauvreté menstruelle
Beaucoup de jeunes filles et de femmes, surtout dans les zones rurales, n’ont pas les moyens de s’acheter des protections hygiéniques et doivent vivre sans elles. La spécialiste sanitaire Dhalia Mbaga cite des études montrant que 91% des magasins des régions rurales de Tanzanie n’en vendent même pas et d’après le Daily Nation, “l’accessibilité des prix demeure le défi le plus important”.
La pauvreté menstruelle est l’une des causes de l’absentéisme des jeunes écolières dans les zones rurales. Certaines jeunes filles n’ont jamais vu de protection hygiénique et parfois, une serviette est coupée en deux pour être partagée entre deux jeunes filles. La plupart du temps, ces écolières utilisent des matériaux inappropriés et peu hygiéniques comme des chiffons, du coton brut et des épis de mais, selon des enquêtes menées par SNV Netherlands Development Organization.
Un manque d’eau et d’installations sanitaires basiques dans les écoles sont une autre raison pour laquelle les écolières de la Tanzanie rurale restent à la maison quand elles ont leurs règles. D’après Raleigh Tanzania, moins de la moitié de la population a accès à de l’eau propre et seulement seize pour cent à des toilettes adéquates.
Dans un éditorial du Citizen, l’auteur Anna Bwana soutenait l’utilisation de produits hygiéniques réutilisables tels que des serviettes en tissu et des coupes menstruelles car celles-ci durent entre 3 et 10 ans.
Cependant, dans les régions rurales où la pauvreté menstruelle est importante, le manque d’eau et de sanitaires rend l’entretien de ces produits difficile.
“Les serviettes hygiéniques ne sont pas un luxe”
Militants et citoyens se sont retrouvés sur Twitter pour exprimer leur indignation et disputer la taxe tampon avec le mot-clic #PediBilaKodi [ServiettesSansTaxe, NdT]
I support #PediBilaKodi Campaign calling the govnt to reduce/totally remove VAT on Sanitary towels /tampons 2 be cheaper & more affordable but urging stakeholders 2 create projects that provide spaces for girls&women 2 access the needed items freely in rural communities.#ReTweet
Je soutiens la campagne #PediBilaKodi qui appelle le gouvernement à réduire ou totalement supprimer la TVA sur les serviettes hygiéniques et les tampons pour qu’ils soient moins chers et plus abordables mais qui intime aux acteurs de créer des projets qui fournissent des espaces pour que les filles et les femmes accèdent à ces objets nécessaires facilement dans les zones rurales.
Deborah Maufi MD, MBA@DeborahMaufi
Join the campaign to fight reintroduction of taxes(VAT) on sanitary towels in Tanzania. Periods are natural and we should not be punished for that! #PediBilaKodi
Poster de gauche : Arrêtez d’imposer nos règles! Un point c’est tout.
Poster de droite : Les règles ne sont pas un luxe. Un point c’est tout. [Jeu de mot sur “periods/period”, qui signifie à la fois les règles et le point, signe de ponctuation, NdT]
Légende : Rejoignez la campagne qui combat la réintroduction de la taxe (TVA) sur les serviettes hygiéniques en Tanzanie. Les règles sont naturelles et nous ne devrions pas être punies à cause d’elles !
Quelques hommes ont aussi pris part à la conversation en tant qu’alliés qui n’hésitent pas devant cet problème controversé :
Taxing women sanitary pads means taxing Women Menstrual Period. This is the most shameful act a government can do to its population. Any sensible & responsible MP would not entertain this. #Magufuli govt should feel ashamed to table this in Parliament for approval.
Imposer les serviettes hygiéniques revient à imposer les règles. C’est l’acte le plus honteux qu’un gouvernement puisse faire subir à sa population. Aucun député sensé et responsable ne devrait l’envisager. Le gouvernement Mugufuli devrait avoir honte de présenter cela au Parlement pour approbation.
Men; If you think it is their fight alone, you’re as worse as the ‘18% VAT’ itself. Lets all strech our hands and embrace the campaign to support our gentleladies. Hedhi ni maumbile na si anasa. #PediBilaKodi inawezekana period.
Messieurs, si vous croyez que c’est leur lutte à elles seules, vous êtes pires que la TVA à 18% elle-même. Tendons tous la main et soutenons la campagne de nos dames.
“If Tanzania had 50% of women in the parliament!!! Would taxification upon menstrual sanitary pads exist?”
-Tanzania needs more women in the next presidential term#PediBilaKodi
— Brightius Kalokola (@DrKalokola) June 21, 2019
Si la Tanzanie avait 50% de femmes au Parlement !!! L’imposition des serviettes hygiéniques existerait-elle ?
La Tanzanie a besoin de plus de femmes pendant le prochain mandat présidentiel.
Malgré tout, ce problème impacte encore les vies des jeunes filles et des femmes. Une internaute rappelle au monde que les règles ne sont pas un choix :
Last year, the Govt removed VAT exemption on sanitary products. This year, it might be added back on. Let’s not move backwards. We want to see #PediBilaKodi – menstruation is not a choice, these are essential products for all women and girls!
L’an dernier, le gouvernement a supprimé la TVA sur les produits sanitaires. Cette année, il pourrait la réintroduire. Ne faisons pas de pas en arrière. Nous voulons voir #PediBilaKodi. Les règles ne sont pas un choix, ce sont des produits essentiels pour toutes les femmes et filles !
I can’t really stress this enough; Sanitary pads (products) are not a LUXURY but a NECESSITY!!! #PediBilaKodi #ItsTimeForAction
Je ne peux pas insister assez : les serviettes hygiéniques ne sont pas un LUXE mais une NÉCESSITÉ !
Ce billet, publié le 8 juillet 2019 sur globalvoices.org, a été écrit par Susie Berya, également connue sous le nom de Nasikiwa Susie. Elle est poétesse, écrivaine et artiste de la création parlée tanzanienne. Elle est également Droits militante féministe et sociale.
Il a été ttraduit par Gwenaëlle Lefeuvre physicienne des particules le jour, rédacteur en chef de GV Lingua Frenchla nuit, passionnée de langue 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en particulier des langues régionales.