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Pour Sékou Touré il existait bien une « abdication du droit à la victoire »

Le Hafia est composé d'ardents militants du mollet...infiltrés de quelques odieux défaitistes

A l’occasion de la finale de la Ligue des champions de la CAF (appelé avant Coupe africaine des clubs champions) opposant le Wydad de Casablanca à Al Ahly du Caire, le lundi 30 mai au complexe Mohammed V rappelons cette bien triste histoire.

Il y a 46 ans le Hafia de Conakry était condamné par le responsable suprême de la révolution guinéenne pour avoir perdu son 4ème sacre.

Après avoir remporté déjà 3 fois la coupe d’Afrique des clubs, le Hafia, ten 1972, 1975 et 1977, arrivait en finale suite aux victoires contre le Djoliba AC de Bamako par 2 à 3, le Djaraf de Dakar par 1 à 6 et contre l’ASEC Mimosas d’Abidjan par 3 à 5. Il bat le Mouloudia Club d’Alger au Stade du 28 septembre, à Conakry, par 3 à 0 le 5 décembre 1976, grâce aussi à un arbitrage complaisant. Tout semblait parfait pour que le Hafia remporte ce titre pour la 4ème fois de son histoire.

Malheureusement tout ne se passe pas comme prévu! En effet, si les jeux semblaient être faits, la réalité du terrain a été une tourmente pour les guinéens. Le Hafia était qualifié jusqu’à la 90ème minute. Mais quelle cruauté car c’est à cette 90′ que Bétrouni marque le 3ème but algérien, équivalent au temps supplémentaire car les deux équipes se trouvaient à égalité, chacune ayant gagné par 3 à 0 à domicile.. 

Le temps supplémentaire s’étant terminé sans départager les deux équipes, c’est la séance de tirs au buts qui va le faire. C’est la délusion pour les guinéens car ils perdent le trophée, n’ayant réussi à marquer qu’1 penalty contre 3 pour les algériens.

Hervé Hamon et Patrick Rotman nous décrivent dans L’affaire Alata qu’ils ont écrit en réaction à l’interdiction de Prison D’Afrique de Jean-Paul Alata, en France, la colère du tyran Sékou Touré au retour de l’équipe à Conakry. 

La formation guinéenne s’est assuré trois buts d’avance sur son terrain lors du match aller. Elle perd cependant par quatre à trois, sur un penalty assassin. [faux car le Hafia a perdu aux penalties] Le retour à Conakry prend l’allure d’une marche funèbre. Le 23 décembre, le tribunal populaire, réuni sous les espèces d’un « meeting d’information », est appelé à juger ce que Sékou nomme « l’abdication du droit à la victoire ». Le «génial stratège» prononce le réquisitoire. D’abord, explique-t-il, la dimension politique du problème ne doit échapper à personne: « S’agissant d’un régime populaire, la jeunesse du pays, en tant que secteur dynamique de la révolution, engage tout le corps social qui l’a engendrée 16. » Il examine ensuite les éventuelles circonstances atténuantes : état du terrain, climat, arbitrage, comportement de l’adversaire, et n’en retient aucune.

Il prend alors la foule à témoin : « Le match avait été joué et perdu avant le premier coup de sifflet. Et si le match avait été ainsi joué et perdu avant le premier coup de sifflet, qu’est-ce que cela signifie en idéologie? Comment cela s’appelle-t-il ? Cela s’appelle trahison! » « (Réponse unanime : oui! », ajoute le procès-verbal).

Mais qui a trahi ? Toute l’équipe? Non, car, de même que le peuple est sain dans sa masse mais recèle des comploteurs, de même le Hafia est composé d’ardents militants du mollet chez lesquels se sont infiltrés quelques odieux défaitistes. Il faut donc les démasquer : chaque joueur est contraint de déposer en son âme et conscience. Et, une fois de plus, la vérité triomphe : sciemment, le gardien de but et l’avant-centre ont « refusé la coupe à leur peuple 17 ». Fin de l’épisode. Cette fois, les comploteurs ne sont pas dirigés sur le camp Boiro. On se contente de les priver de leur emploi et de leur honneur.

Nous aimerions en rire, si nous ne craignions de nous mêler à ceux que la dérision des « rois nègres », de ces pantins grotesques mis en scène par le système néo-colonialiste, alimente en sarcasmes revanchards. Est-ce là Sékou ? Est-ce là le grand leader syndical de l’Ouest africain, est-ce là celui qui, contre de Gaulle et contre Houphouët, a rêvé d’une immense fédération indépendante et solidaire ?

Pourquoi, pourquoi cette dégénérescence qu’il nous coûte de dépeindre? Est-ce l’isolement, l’enfermement de la Guinée rebelle qui l’a rendue comme folle? Pourquoi le gouvernement de Conakry en est-il réduit à prier l’ancienne métropole d’empêcher la révélation des crimes dont il s’est entaché ? Et pourquoi la France obtempère-t-elle de si bonne grâce ? Pour dénouer ce paradoxe, pour mettre au jour ce qui a motivé l’interdiction de Prison d’Afrique, nous devons maintenant esquisser un bilan de l’économie guinéenne et des relations diplomatiques entre Paris et Conakry.

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