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Avec #DearNyerere, les Tanzaniens se souviennent du père de la nation

Parmi les rares pères de l’indépendance de leur pays dont on se rappelle le passage sur cette terre avec plaisir, au-delà de leurs frontières nationales, il y a le premier président de la Tanzanie Julius Kambarage Nyerere. Fervent nationaliste il fut un des pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine, devenue Union africaine.

C’est à lui que l’on doit la promotion du Swahili en langue nationale ainsi que l’unité du Tanganyika et de Zanzibar pour former l’actuelle république de Tanzanie. Il fut aussi à l’origine de la construction du chemin de fer Tanzanie-Zambie dans les années 1970 afin de désenclaver la Zambie, un pays sans accès à la mer, lui permettant d’avoir un autre chemin de fer que celui qui passait par la Rhodésie du Sudet l’Afrique du Sud, deux pays alors soumis à l’apartheid, boycottés par la plupart des pays indépendants d’Afrique.

Il prônait le socialisme africain, ce qui a conduit l’économie de son pays à une situation économique difficile. Reconnaissant sa faillite, il abandonna volontairement le pouvoir. J’ai eu la chance de visiter la Tanzanie après cet abandon. Au Programme des Nations Unies pour le développement, (PNUD), la secrétaire m’avait déconseillé d’utiliser l’eau, pour faire la toilette, tellement elle était sale même à l’Hotel Klimanjaro, le plus luxueux de la ville. Avant de boire une bière, il fallait contrôler que l’intérieur de la bouteille était propre. Dans tout Dar-es-Salam, il n’y avait qu’un restaurant décent, l’Alcove qui venait d’ouvrir et qui est encore parmi les 10 meilleurs restaurants de la ville.

Malgré son vibrant nationalisme, on ne lui connait pas les excès en matière de droits humains de ses autres pères ayant emprunté la même voie. Sa probité et son honnêteté ont conduit l’Église catholique l’a déjà initié le procès pour sa béatification.

A l’occasion du 16ème anniversaire de sa mort et à la veille d’élections très incertaines, les tanzanien utilisateurs des réseaux sociaux ont célébré sa mémoire, en utilisant le hashtag #DearNyerere, pour envoyer des messages.

Mon ami Ndesanjo Macha, de Namibie, blogueur, consultant, journaliste, avocat, militant numérique, intéressé aux relations entre les médias sociaux et le développement, particulièrement en Afrique sub-saharienne, a écrit un billet présentant les messages les plus significatifs, que j’ai traduits sous le titre Les Tanzaniens se souviennent du père fondateur de leur nation avec #DearNyerere

La révision a été faite par mon amie Claire Ulrich, journaliste, traductrice, formatrice, en France, et ailleurs, responsable de la coordination des activités de Global Voices online en français.

 

Mwalimu Nyerere avec l'ancien président ouest-allemand Richard von Weizsäcker en 1985. photo publiée sous Creative Commons par les Archives fédérales allemandes.

La Tanzanie a eu quatre présidents depuis son indépendance de la Grande-Bretagne en 1961. Le premier, Julius Nyerere Kambarage [fr] principalement évoqué par son titre honorifique Mwalimu Nyerere, est  le plus respecté et aimé dans l’histoire du pays.

Le Président Nyerere, également surnommé affectueusement Baba wa Taifa (en swahili Père de la Nation), est crédité, entre autres, de la construction d’un fort sentiment d’unité et d’identité nationales dans ce pays de plus de 120 groupes ethniques – un exploit rare en politique africaine – et pour la promotion du swahili, la langue non-tribale la plus parlée en Afrique.

Il était un fervent partisan des mouvements de libération sur le continent et au sein du mouvement anti impérialiste à travers le monde. Il n’est pas étonnant que des organisations politiques comme le FRELIMO du Mozambique, l’ANC et le PAC de l’Afrique du Sud, la ZANU et la ZAPU du Zimbabwe, le MPLA de l’Angola et de la SWAPO de Namibie aient tous eu des bureaux et des camps d’entraînement en Tanzanie. En outre, le pays a donné refuge à des militants américains pour les droits civiques, aux membres du parti des Black Panthers tels que Pete O’Neal et Geronimo Pratt, ou à des opposants à la guerre du Vietnam.

Seize ans après sa mort, le 14 octobre 1999, les Tanzaniens ont utilisé le hashtag #DearNyerere (Cher Nyerere) pour se souvenir de lui, en particulier dans le contexte dans lequel se déroulent les élections générales tanzaniennes du 25 octobre 2015.

“Vous ne croiriez pas que votre pays est devenu mendiant”

La plupart des tweets expriment un sentiment de nostalgie, de désespoir et de mécontentement total pour la manière dont le pays est dirigé depuis sa mort.

Glady Shao résume son mécontentement à l’égard du leadership politique actuel du pays :

Si vous reveniez aujourd’hui, vous auriez certainement une crise cardiaque et seriez mort une nouvelle fois en voyant ce que certains dirigeants sont en train de faire

Nabil Omar se plaint de la mauvaise gestion des ressources naturelles telles que la tanzanite :

La tanzanite que vous aviez conservée pour nous, n’est plus tanzanienne, les citoyens en tirent peu avantage. Des vols partout.

La tanzanite est un minéral rare qui se trouve uniquement en Tanzanie. Toutefois, l’Inde est considérée comme le pays le plus grand exportateur de ce minerai, malgré l’interdiction partielle du gouvernement tanzanien de l’exporter.

James Ngonyani a tweeté en swahili :

Vous ne croiriez pas que votre pays est devenu mendiant en dépit d’être le troisième plus grand exportateur d’or du monde.

W. Quiyenga écrit à propos des perceptions populaires du parti au pouvoir, Chama Cha Mapinduzi (CCM), que Nyerere a contribué à fonder:

Les tanzaniens disent qu’ils préfèrent voter pour une pierre plutôt que pour la CCM

“À votre époque, la popularité était basée sur de bonnes actions”

Steve Ole Moruo se plaint :

à votre époque, la popularité était basée sur les bonnes actions pour son pays, mais aujourd’hui, elle dépend du nombre d’adeptes sur Instagram et Twitter.

David Nguma relève que :

Les partis de l’opposition utilisent vos citations [dans les campagnes électorales]. CCM a honte de vous citer dans leurs campagnes parce qu’ils vous ont trahi.

Albert Secha estime que:

Vous devriez revenir pour diriger la Tanzanie, même pour un an! Tout juste un an ! … Votre intégrité nous manque !

The Van Official a tweeté sur le trafic d’animaux dans le pays :

Vous nous avez laissé avec des éléphants, il n’y en a plus, les girafes sont devenus des “passagères aériennes” [une référence humoristique à la contrebande de girafes].

La Tanzanie a interdit les exportations de la faune après l’exportation clandestine d’environ 130 animaux et oiseaux, dont des girafes. La faune était transportée en avion cargo de la Tanzanie vers le Qatar.

En ce qui concerne l’élection générale, Othman observe :

 Même si vous étiez là, vous n’auriez pas été une justification pour que les Tanzaniens aiment le CCM

 La Tanzanie ne sera que meilleure”

Ce ne sont pas tous les utilisateurs de Twitter qui se sont servis du hashtag pour se plaindre de l’état des affaires dans le pays. Michael Paul Baruti, par exemple, a tweeté:

Nous sommes toujours là, plus forts que jamais .. La transparence et la responsabilité commencent à prévaloir… La Tanzanie ne pourra que s’améliorer…

Tandis que Kibibi écrit:

Notre pays continue de progresser

Lisez cette interview de Nyerere, menée de son vivant par Ikaweba Bunting, pour en savoir plus sur la vision que Nyerere avait pour la Tanzanie.

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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