Victimes Camp Boiro: COMMEMORATION DE LA JOURNEE DES PENDUS
Comme chaque année l’Association des victimes du Camp Boiro a commémoré la Journée des pendus du 25 Janvier 1971. A cette occasion elle a fait le discours suivant:
Comme les années précédentes, nous nous retrouvons de nouveau ce jour
24 janvier 2010 sur ce Pont du 8 novembre pour commémorer un triste anniversaire. Il s’agit des pendaisons du 25 janvier 1971.
Cependant, cette année, c’est aussi l’occasion pour nous de rendre hommage aux victimes du 22 janvier 2007 aux alentours de ce même pont, et de toutes les autres victimes innocentes pendues, fusillées ou tombées sous les balles des forces de défense et de sécurité de notre pays depuis 51 ans.
Cette année est toute particulière car il est prévu dans les mois à venir la destruction de ce pont dans le projet de réalisation de l’autoroute qu’il enjambe. Ce serait donc très probablement la dernière fois que nous allons nous retrouver sur ce pont.
La destruction va donc entraîner la désagrégation de l’ouvrage et la dispersion des matériaux par cet acte devenu inévitable à cause d’un projet d’intérêt national, certains seront très certainement amenés à penser qu’une page serait définitivement tournée. Cependant, nous devons savoir qu’il existe des matériaux que l’on ne peut détruire et qui survivent aux régimes et qui résistent au temps. Il s’agit de la pensée de l’homme car c’est elle qui nous permet aujourd’hui encore, de nous faire revivre les épopées de nos ancêtres. Il existe donc des pages que l’on peut détruire et faire disparaître par contre il y en a d’autres que l’on ne peut effacer car elles font déjà partie du registre de l’histoire de notre pays.
L’on comprendra alors que ce jour est une ultime occasion pour nous de nous incliner pieusement à la mémoire non seulement des quatre pendus du 25 janvier 1971 au fronton de ce pont à savoir :
-Baldé Ousmane
-Magassouba Moriba
-Barry Ibrahima dit Barry III
-Keita Kara de Soufiane
Mais c’est aussi l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui ont été pendus dans la même semaine dans toutes les préfectures du pays et aux victimes des massacres du 22 janvier 2007 en ce lieu.
Il est fort regrettable que lorsqu’on parle d’impunité en Guinée, l’on ne se focalise que sur les délits financiers et économiques. Il faut toutefois savoir que si l’argent détourné peut être remboursé, un bien mal acquis confisqué, mais une vie injustement et délibérément ôtée ne pourra jamais être restituée : de ce fait, l’on a toujours eu à banaliser donc à encourager l’impunité lorsqu’il s’agit de crimes politique ou contre l’humanité ; c’est ce genre d’impunité qui a occasionné l’inqualifiable tragédie du Stade du 28 septembre 2009 qui s’est soldée par plus de 200 morts et des actes inimaginables de viols collectifs et publics perpétrés par les forces de défense et de sécurité.
Cette cérémonie survient au moment où le peuple de Guinée tout entier attend avec espoir et anxiété, l’amorce d’une nouvelle transition qui contribuerait à restituer aux Guinéens tous leurs droits jusqu’alors confisqués ou violés.
Si comme nous l’espérons de tous nos voeux, cela devenait un jour une réalité, alors les pendus et les morts du Pont 8 novembre et du Stade du 28 septembre ne seront pas morts pour rien.
Une fois encore nous lançons un appel pour la vérité, la justice et la réconciliation dans notre pays. En effet, si des ponts peuvent être détruits, des gradins lavés et des pelouses nettoyées, les morts eux, continuent à vivre à travers les veuves et les orphelins qui continuent à crier et répéter sans cesse
« PLUS JAMAIS CA » en Guinée
Que Dieu le Tout Puissant veuille bien recevoir toutes les victimes dans son Paradis. Amen !
Que Dieu aide la Guinée !
Mes condoléances à toutes les familles pour ces morts inconsolées