Camp BoiroDroits de l'HommeSékou Touré

Quelques renseignements sur les charniers de Sékou Touré, selon Almamy Fodé Sylla

Almamy Fodé Sylla est auteur du livre L’itinéraire sanglant, d’où est tiré ce billet entièrement accessible en ligne.

On ne saurait parler de charniers sans indiquer les différentes formes de liquidation physique, que pratiquaient Sékou et ses bourreaux dans le cadre de leur plan machiavélique d’élimination systématique de tous les Guinéens capables de contribuer tant soit peu à l’accélération du processus de développement de la nation guinéenne.

1. Les Formes de liquidation

  1. Les liquidations accidentelles ou volontaires des suites de tortures à la cabine technique sont si tragiques que les agents chargés de cette salle besogne sont aussi responsables des crimes que leurs maîtres. Il faut être sans cœur pour tuer aussi froidement l’homme, cette créature parfaite qui a la vie difficile à prendre.
  2. La pendaison publique est la forme qui a le plus terrorisé les populations guinéennes depuis que Sékou Touré a pendu en 1971, 4 hauts cadres dont 2 Ministres à Conakry et 73 marginaux dans les régions, pauvres navetanes extradés d’un pays africain.
  3. L’exécution, par les armes est la forme classique de liquidation que tous les détenus préfèrent à toute autre forme, mais comme tout choix, l’exécution par les armes a ses inconvénients en Guinée de Sékou Touré où la balle du peloton d’exécution n’atteint pas tous les condamnés à mort. Poussés dans la fosse commune, ceux qui ne sont même pas blessés, demandent avec insistance le coup de grâce, s’il faut l’appeler ainsi, pour qu’ils ne soient pas enterrés vivants. «
    — Tuez-nous s’il vous plaît, nous ne sommes pas morts ! Nous ne sommes pas atteints par les balles ! «
    — Allez ! envoyez la terre ! leur bouche sera bientôt fermée .
    Le conducteur du bulldozer fait le nécessaire en mettant dans le ventre de cette innocente et silencieuse terre, morts, blessés et vivants.
  4. La liquidation par la diète noire a tout naturellement remplacé la forme classique qui requérait trop de dispositions. Cette forme ‘moderne’ ne coûte rien, même pas une balle. Il s’agit d’enfermer le détenu dans une cellule requise et de n’ouvrir la porte que pour retirer son cadavre. S’il gémit trop fort parce que tenaillé par la faim et la soif, Fadama Condé n’acceptera pas d’être « tympannisé », il fera ligoter le malheureux supplicié pour accélérer sa mort en empêchant le sang de circuler normalement. « Attachez-le ! il se taira et mourra bientôt, dira-t-il ».
  5. La liquidation après une injection de produits toxiques est une preuve du cynisme de Sékou Touré dont aucune mort n’a ébranlé la vie, même pas celle de son ami Saïfoulaye…
  6. L’ensevelissement de personnes vivantes a été considéré par l’opinion comme une ignoble exécution de sacrifices humains par le dictateur. Le cas du garde républicain enterré vivant à Dixinn a profondément marqué les populations de Conakry.
    Les pelotons d’exécution étaient communément appelés « corvée bois » par les services de sécurité et les agents de la force publique dont Sékou a sali la main de la plupart. De même, ils désignaient le Camp Boiro par Coyah, rien que pour cacher les tristes réalités que le monde sait aujourd’hui.

2. Charniers connus

  1. Bloc Boiro

    A l’intérieur du bloc, sous l’enceinte même de la prison, a été enterré le corps de Seibold, citoyen allemand arrêté en 1970.

  2. Nongo

    Quartier situé dans la 8e sous-préfecture de Conakry II, Nongo a cet avantage d’abriter l’un des plus grands cimetières de la capitale. Sékou Touré a profité du retrait de cette zone, presque rurale, pour y enterrer quelques cadres tués au Camp Boiro. Les fouilles, encore insuffisantes ont permis de découvrir, grâce à des témoins occulaires, les tombes des personnes suivantes :

    • M. Diallo Telli, ex-secrétaire général de l’O.U.A.
    • Dr Alpha Oumar Barry, ex-Ministre
    • Capitaine Lamine Kouyate, commandant du Camp Kindia.
    • Commandant Ibrahima Sylla, Chef d’État major armée de l’air.
    • Dr Ansoumane Traore, pharmacien.
    • Les frères Boiro ( Demba et Yéro).
    • M. Barry Sory, contrôleur du grand marché Conakry-Madina.
    • M. Abdoul Rada, jeune Libanais, enfant unique pour sa famille installée à Coyah.
    • Karifa Camara, élève gendarme.
    • Sidiki Kaba, caporal formé en Lybie.
    • Les 9 jeunes peuhls tués dans l’affaire du professeur Bah Mahmoudou.
  3. Champ de tir Sangoyah

    On a découvert à cet endroit trois fosses communes. La première pourrait comprendre entre autres, les corps suivants :

    • M. Barry Ibrahima dit Barry III, ex-Ministre
    • Baldet Ousmane, ex-Ministre.
    • Magassouba Moriba, ex-Ministre.
    • Kaba Laye, grand commerçant originaire de Kankan.
    • Commisaire Keita Kara de Soufiane.
    • M. Tall Habib, ex-Gouverneur.
    • Mme Hadja Loffo Camara, ex-Ministre, fondatrice du Parti.

    Le cas de cette dame, Mme Hadja Loffo Camara, membre fondatrice du P.D.G., sage-femme principale de son état, membre de la Direction Nationale du Parti unique, Ministre des Affaires Sociales, est très douloureux, quand on sait les conditions de traitement infligées à cette respectueuse personne durant sa détention. Son calvaire ne devait prendre fin que le 25 janvier 1971, jour où elle a été retirée du Camp Boiro pour être exécutée à côté d’une fosse dont elle a personnellement apprécié des yeux non bandés, les dimensions. Aussitôt abattue, elle a été précipitée dans sa dernière demeure où elle repose. La deuxième fosse contiendrait les corps des personnes qualifiées de mercenaires arrêtées lors de l’agression du 22 novembre 1970, dont le célèbre Thiam Mamoudou, l’assaillant principal de l’usine électrique la nuit du 22 novembre 1970.

  4. Kindia

    Sous le mont Gangan
    Il existe là deux fosses communes situées côte à côte et, les témoins affirment que les corps suivants sont enterrés dans la première fosse :

    Dans la deuxième fosse, reposent les parachutistes de Labé arrêtés en 1969.

    • Mamadi Kourouma
    • Diallo Baïlo
    • Bah Oury Telly
    • Keita Ousmane, fils du Cdt. Guèye
    • Oulare Tamba Lewa
    • Camara Bignè
    • Soumaoro Karamoko
    • Beavogui Pévé
    • Sow Alpha
    • Bangoura Bassirou
    • Bangoura Ibrahima
    • Lt. Coumbassa Aly
    • Sakovogui Siba
    • Niankoye Tefamou
    • Lt Camara Aboubacar dit MBeng
    • Adjt-chef Keita Namory
    • Diallo Mouctar
  5. La forêt de Fissa

    Cette célèbre forêt renferme des fosses communes avec les corps des détenus de 1969 et ceux des extradés d’un pays africain, complices de Sékou. Ces victimes ont été nuitamment transportées sur ces lieux après avoir été étouffées dans des sacs d’emballage et traînées par les membres pour être jetées dans les fosses comunes. Ce massacre, mal opéré, a dû attirer l’attention des populations avoisinantes qui ont ainsi suivi toute l’opération. Cette mésaventure a conduit les prochaines opérations vers Kouradi sur la route de Gomba, mais toujours dans la préfecture de Kindia.
    Le Comité révolutionnaire était composé d’hommes réellement astucieux : avant de lancer cette vaste opération, une mission était dépêchée de Conakry pour prendre contact avec les autorités de Kindia qui, à leur tour, passaient prévenir les villageois de l’organisation prochaine dans leur contrée de séances de combat de nuit de l’armée.
    A cet endroit l’existence de trois fosses communes a été prouvée.
    D’ailleurs à ce jour, et sur ces lieux, le sol est encore jonché d’étuis vides de cartouches de FM, AK et PA, confirmation des tueries massives dans ces bois lointains que la mission d’Amnesty International a visités en octobre 1984.

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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