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La tragédie des Congolais expulsés d’Angola


Selon un communiqué du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (OCHA), depuis début octobre, le gouvernement angolais a expulsé quelque 330 000 personnes en situation irrégulière, principalement vers les provinces du Kasaï, du Kasaï central et du Kwango en République démocratique du Congo.

Le communiqué précise que d’après des d’entretiens avec des habitants de la ville frontalière de Kamako dans le Kasaï, le Bureau a recueilli des informations selon lesquelles les forces de sécurité angolaises ont fait un usage excessif de la force lors de ces expulsions faisant des morts et des blessés.

Nadine FULA écrivant sur le site oom-eco.net citant les propos de Michelle Bachelet, Haut- Commissaire des Nations Unies aux droits humains, relève  que:

ces expulsés congolais en provenance d’Angola se sont rués vers les provinces du Kasaï, Kasaï central et le Kwango. Et lors des entretiens avec les habitants de Kamako, le bureau des droits de l’homme des Nations Unies a reçu des informations selon lesquelles les forces de sécurité en Angola ont fait usage excessif de la force lors de ces opérations d’expulsion de non- nationaux angolais en situation irrégulière.

Le rapport établi par OCHA en république démocratique du Congo (RDC) en collaboration avec les partenaires humanitaires couvrant la période du 1er au 16 novembre 2018 fait état de 362 097 Congolais concernés, mais met en garde:

Les chiffres ci-dessus ont été validés par la DGM [ Direction Générale de Migration] au niveau national et font donc office de chiffres vérifiés. Cependant, comme toutes statistiques officielles sujettes à un processus de vérification, il est probable que ces données ne reflètent pas encore totalement l’ampleur de l’afflux de la période la plus récente.

Ainsi, les données collectées par les antennes locales de la DGM et celles provenant de certaines organisations de la société civile et ONG semblent indiquer un nombre plus important d’arrivants dans certaines provinces. C’est notamment le cas pour les données récoltées par le système de veille humanitaire assuré par l’ONG Caritas et couvrant toutes les provinces affectées, dont le rôle d’alerte précoce doit être vu en complémentarité des chiffres vérifiés de la DGM. Actuellement, ce système de veille rapporte que près de 522 200 personnes seraient retournées de l’Angola vers les provinces du Kasaï, du Kasaï Central, du Kwango, du Kongo Central, de Lualaba et de Lomami entre le 1er octobre et le 10 novembre 2018.

Ayant quitté le territoire angolais dans la précipitation, ces personnes n’ont emporté que le strict minimum, ou bien elles ont fui les mains vides. Citant Anna Praz, la cheffe des opérations du CICR à Kamako, le site fr.kongotimes.info écrit:

« Ce sont des personnes qui sont parties avec très peu de moyens, sans avoir beaucoup de temps pour se préparer, parfois arrivant les mains vides ou avec très peu de biens. Et certains d’entre eux ont fui sous la peur. », a affirmé Anna Praz, cheffe des opérations du CICR à Kamako. « Et maintenant ils se retrouvent dans un endroit pour eux qui est quasiment étranger, parce qu’ils ont été pendant longtemps loin du Congo, et parmi eux des personnes n’ont plus vraiment beaucoup de contacts avec leur famille depuis quelques années. », a-t-elle ajouté.

Dans un billet publié le 15 octobre, le site lepotentielonline.net dénonce les graves violations des droits humains dont ces personnes ont été victimes:

La majorité de ces compatriotes ont été maltraités et dépouillées par les forces de sécurités angolaises avant d’être expulsés comme des bêtes. Tout ceci se passe sans qu’aucune autorité de Kinshasa ne puisse lever le ton. Comble de l’humiliation, depuis qu’ils sont sur le territoire congolais, ces compatriotes refoulés sont logés à la belle étoile, dans le dénuement total. Des milliers de Congolais sont passés de l’humiliation, en Angola, et au calvaire, sur leur propre territoire, dans l’indifférence totale de Kinshasa.

Selon le directeur pays d’Oxfam en RDC, Chals Wontewe, cité par afrique.lalibre.be, certains de ces expulsés sont accueillis par des personnes qui luttent déjà elles-mêmes contre la pauvreté, la faim et la maladie:

« Nous avons rencontré des familles qui hébergent jusqu’à trente personnes rentrées d’Angola, alors qu’au sein du foyer ils ont des enfants qui souffrent de malnutrition sévère », rapporte ce responsable humanitaire…

Mal nourris, ces expulsés souffrent de diverses pathologies. Sur afriquinfos.com, Vignikpo Akpéné signalait à la date du  23 octobre qu’il y avait déjà au moins 15 personnes décédées de tuberculose et ajoutait:

Le responsable de l’hôpital de Kamako, en RDC, le Dr Miko Mikobi a souligné que   »tous ces morts sont dus à la sous-alimentation et à des maladies, principalement la tuberculose ».

Ce médecin dit avoir déjà reçu  » 318 malades, parmi les expulsés, dont la plupart souffre de la tuberculose ».

Même des épouses angolaises de Congolais ont été expulsées ou bien ont suivi leurs maris:

Il y a aussi le cas des enfants congolais nés en Angola qui ne connaissent pas le français. Une maman s’est confiée au site slateafrique.com:

“Tous nos enfants sont nés en Angola et ne parlent que le portugais”, raconte la femme d’une quarantaine d’années qui vivait dit-elle depuis dix ans avec son mari à Lucapa, dans la province angolaise du Lunda Norte…

“Soudain, le lundi, nous avons vu des jeunes garçons de la communauté Tchiokwé avec les policiers angolais commencer à incendier les maisons de tous ceux qu’ils prenaient pour étrangers. Arrivés chez nous, ils ont blessé mon mari à la machette et nous avons été obligés de partir avec ce que nous avons pu prendre”, raconte-t-elle, en écho à d’autres témoignages de violences communautaires qui font même état de morts.

Si les expulsions les plus massives ont concerné les citoyens congolais, l’Angola a aussi expulsé d’autres Africains. Comme l’a écrit Cheik Sidya sur afrique.le360.ma, au moment où l’Afrique est en quête d’intégration, il est triste de constater que c’est sur ce continent que les rafles et les expulsions d’Africains sont les plus massives.

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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