Camp BoiroPolitiqueSékou Touré

Communiqué de presse de l’AVCB à l’occasion du 46e anniversaire du massacre de la nuit du 17 au 18 octobre 1971

L’association des victimes du Camp Boiro (AVCB a publié le communiqué de presse suivant pour la commémorer  du 46 anniversaire du massacre qui a emporté dans la nuit du 17 au 18 octobre 1971. Si la Guinée  est en retard aujourd’hui, c’est aussi parce que ces victimes de par leur formation ou esprit d’initiative auraient pu mettre les immenses ressources naturelles de notre pays.

Il y a 46 ans, le 18 Octobre 1971, le régime du PDG sous les ordres de Sékou Touré fit exécuter environ 70 guinéens dont la plupart étaient des hauts-cadres ou des hommes d’affaire accomplis.  En Janvier de la même année Sékou Touré avait ordonné la mise à mort par pendaisons et par des pelotons d’exécution de plus de 100 guinéens.  Ces assassinats avaient eu lieu seulement cinquante-quatre jours après les évènements du 22 Novembre 1970.

Le dictateur guinéen utilisa ce débarquement pour sévir contre d’innocents citoyens dont certains serviront de sacrifices humains censés perpétuer son règne.

Selon les révélations du porte-parole du dictateur, après le débarquement du 22 novembre 1970, Sékou Touré avait nommé une commission d’enquêtes dirigée par  M. Diop Alassane,  ministre des PTT et chargé de l’état major de Conakry.  Cet intellectuel sénégalais était venu en Guinée par pur esprit militant pour aider le pays après le départ subitement des français. Il avait occupé plusieurs postes ministériels.  

La commission conclut que les envahisseurs n’avaient pas bénéficié de complicités intérieures. Sékou Touré ordonna le démantèlement de la commission et il  suggéra à M. Diop  d’aller se reposer en Bulgarie. Celui-ci parti, le dictateur nomma une autre commission, dirigée cette fois-ci, par  Ismaël Touré, son demi-frère. Au  bout de 24 heures, Ismaël dira que des complices se trouvaient à tous les niveaux de l’administration du parti et de l’Etat. Il  accuse Alhassane Diop lui-même d’en faire partie bien que  les témoins de ces journées, établissent sans équivoque  que Alassane Diop avait organisé les miliciens en les plaçant dans les différents postes-clés de Conakry pour faire face aux envahisseurs. Alhassane Diop sera arrêté et fera des aveux sous la torture. Il sera libéré après dix ans grâce à l’intervention du président sénégalais, Senghor à la condition qu’il garde le silence sur les événements dont il fut un témoin clé.

S’en suivra une triste parodie de procès, en l’absence des accusés, sans aucune représentation légale, par les cellules à tous les échelons du parti unique et l’assemblée nationale érigées en tribunaux populaires.

Nous nous remémorons aujourd’hui de l’une des pages les plus tragiques du règne du PDG. L’héritage désastreux de ce régime continue à hanter la mémoire collective de notre nation. Il la maintient dans l’ornière de la faillite économique et de la division sociale. Après presque soixante ans d’indépendance et d’autonomie politique, les guinéens vivent dans la misère et l’arbitraire. Des millions ont fui leur pays, pour sauver leur vie et en quête de meilleures conditions de vie.

Ce jour du 18 Octobre est une occasion pour nous interroger sur les voies et moyens d’extirper notre nation de cette faillite. C’est le meilleur hommage qu’on peut rendre aux milliers de victimes innocentes des dictatures qui se se sont succédées en Guinée.

L’association des victimes du camp Boiro (AVCB) représente des personnes ou des parents de disparus, de détenus et de torturés durant le règne du PDG. En ce jour anniversaire, nos membres solennellement interpellent les autorités guinéennes avec des demandes précises et rapidement réalisables. Nous demeurons convaincus que sans ces mesures notre pays n’a aucune chance de se soustraire de son marasme chronique:

  1. Nous demandons que les tombes et fosses communes des personnes exécutées soient toutes identifiées.
  2. Les fosses communes doivent être transformées en cimetières avec des stèles pour renseigner les guinéens d’aujourd’hui et des générations futures sur les crimes commis.
  3. Nous exigeons un processus de réhabilitation complète de toutes les victimes innocentes.
  4. Les crimes des victimes qui ont en même temps été collaborateurs ou agent de la répression du système répressif du PDG doivent être renseignés avec soin pour éviter l’amalgame qui empêcherait de faire la lumière sur cette période sombre de notre histoire.
  5. Les responsables qui ont pris part à l’instigation des arrestations et des exécutions arbitraires doivent être condamnés comme des criminels de l’histoire. Au premier chef de cette clique figure le président de l’époque, Sékou Touré. Il est impératif de mettre fin à sa réhabilitation déguisée qui ne fera qu’accentuer les divisions et les ressentiments des citoyens.
  6. Le palais présidentiel doit être débaptisé. Il est  inadmissible qu’il porte le nom d’un homme responsable de la mort de ses compagnons de lutte ainsi que de milliers d’autres guinéens innocents.

Ce tragique anniversaire est aussi une occasion pour interpeller les citoyens guinéens dans leur ensemble. Nous lançons un appel à la société civile organisée et aux partis politiques. Il est grand temps que cesse la complaisance dans la lutte pour mettre fin à l’impunité dont jouissent les perpétrateurs de crimes politiques dans notre pays. C’est cette complaisance qui explique la perpétuation des crimes d’état.  Si la Guinée doit s’engager dans un vrai processus de démocratisation, ce combat doit être pris à bras le corps par chaque citoyen.

La lutte contre l’oubli des crimes du passé est un élément indispensable de ce combat. Honorer les victimes du passé et faire la lumière sur les mécanismes répressifs et de terreur est un devoir citoyen.  L’érosion de la mémoire collective, entretenue et encouragée par les régimes successifs de la Guinée, empêche l’éveil citoyen. Elle rend les guinéens vulnérables aux manipulations dont celles des divisions ethniques et régionales si incrustées dans la politique en Guinée. Elle perpétue l’arrogance des criminels et ferme l’avenir à la quasi-totalité des citoyens de notre pays.

Nous inscrivons notre lutte dans cette perspective. Cette lutte est le seul moyen pour protéger tous les citoyens  de l’arbitraire de l’etat et pour enrayer la culture de la violence qui a sabordé le devenir de la nation guinéenne. Nous invitons tous les guinéens épris de justice à y participer.  

En ce tragique anniversaire nous nous inclinons sur mémoire de toutes les victimes de la violence politique dans notre pays. Nous implorons le Tout-Puissant de leur accorder sa miséricorde.

 

Liste partielle des victimes entre Juillet et le 18 Octobre 1971

  1. ARIBOT « SODA » Souleymane – Planteur
  2. BAH Bademba – Notable
  3. BAH Mody Amadou Baïlo – Commerçant
  4. BAH Thierno Ibrahima – Gouverneur /Chef de Cabinet
  5. BALDE Abdoulaye – Directeur Ecole Militaire
  6. BALDE Oumar – Ingénieur Secrétaire Exécutif OERS
  7. BAMA Marcel Mato – Ministre – 3 Août 1971 à Siguiri
  8. BANGOURA Karim – Ex Ambassadeur, Ministre des transports
  9. Barry Abbas – Douanier
  10. BARRY Cellou – Inspecteur des Douanes
  11. BARRY Mody Oury – Industriel (Fils de l’Almamy de Mamou)
  12. CAMARA Ali – Inspecteur Affaires financières (douanier)
  13. CAMARA Baba – Gouverneur
  14. CAMARA Bakary – chef de quartier – Juillet 1971
  15. CAMARA Bakary – Président du Tribunal
  16. CAMARA Doussou Mory – Financier
  17. CAMARA Fama – Douanier
  18. CAMARA Filas – Contrôleur du travail
  19. CONDE Emile – Gouverneur de Kankan (ancien Ministre) – Juillet 1971
  20. COUMBASSA Abdoulaye – Commissaire de Police (Sécurité N’Krumah)
  21. DIALLO Abdoulaye – Docteur Chirurgien
  22. DIALLO Alpha Amadou « M’en Parler » – Ministre de l’information – Juillet 1971
  23. DIALLO Alpha Taran – Chirurgien, Ministre
  24. DIALLO Karo – Infirmier Camp Boiro – Juillet ou octobre 71
  25. DIALLO Oumar Kounda – Gouverneur
  26. DIALLO Oury Missikoun – Inspecteur Finances
  27. IALLO Souleymane – Ex Minsitre Commerce Extérieur
  28. DIALLO Souleymane Yala – Directeur des prix et conjonture – arrêté 1971
  29. DIALLO Youssouf Lieutenant – Juillet ou octobre 71
  30. DIOP Ahmadou Tidiane “Saint Germain” – Restaurateur
  31. DIOP Tidiani – Directeur Administratif FRIA
  32. FASSOU Michel – Sous-Lieutenant – Janvier ou octobre 71 ???????
  33. GHUSSEIN Fadel – Chef de Cabinet – arrêté 1971
  34. HABA Paul – Commissaire – 1971
  35. HANN Saïdou
  36. KABA ELHADJ Diafodé – Janvier ou octobre 71 ??????
  37. KABA Mamady – Notable (Société Sogonikoun)
  38. KEITA Fadiala – Ambassadeur (Directeur Général OBK) – Juil.-71
  39. KEITA Kémoko – Magistrat (Procureur Général) – arrêté 1971
  40. KOIVOGUI Massa – Planteur, Secrétaire Fédéral Macenta
  41. KOUROUMA Missa – Ex Fédéral de Macenta
  42. KOUROUMA Soma – Ct Camp Samory – Juillet ou octobre 71
  43. MAKADJI Tidiane – Agent SNE – Juillet ou octobre 71
  44. MATHOS Gnan Felix – Directeur Banque
  45. M’BAYE Cheick Oumar – Ambassadeur – 6 août 1971
  46. MAREGA Bocar, Chirurgien
  47. N’DIAYE Boubacar – Lieutenant – Juillet ou octobre 71
  48. PORRI René, dit Doumbouya – Chef Milicien Conakry 2
  49. SAGNO Mamady – Ministre -Juillet 1971
  50. SASSONE André – Directeur (témoin de mariage Sékou Touré) – arrêté 1971
  51. SAVANE Morikandian – Ministre
  52. SOW Aliou – Contributions Diverses
  53. SOW Mamadou – Vétérinaire, Ministre du Plan.
  54. SYLLA Fodé Saliou – Magistrat Procureur adjoint, – arrêté 1971
  55. SYLLA Mamadouba – Chef réseau SNE – Juillet ou octobre 71
  56. THIAM Baba Hady – Directeur de Banque – Juillet ou octobre 71
  57. TOUNKARA Tibou – Ministre – Juillet 971
  58. TOURE Kerfala – Urbanisme et Habitat
  59. TOURE Sékou Sadibou – Industriel Malien Directeur Fruitaguinée

Nota bene: Les informations sont incomplètes ou imprécises par ce que 46 ans après ces crimes et 33 ans après la chute de la dictature aucune archive n’a été encore révélée. Nous avons des doutes qu’il en sera jamais autrement même à l’avenir car ceux qui ont pris le pouvoir après la dictature ont été complices de ces crimes et les conditions climatiques pourraient avoir eu le temps de détruire le peu qui aurait pu avoir été  sauvé.

Laisser un commentaire avec Facebook

konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

Articles similaires

2 commentaires

  1. Au delà de la justice des hommes (qui est nécessaire), il faut en appeler à celle du Tout Puissant pour que chacun soit récompensé selon ses œuvres. Cette justice divine qui peut être lente mais imparable.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page