Récits de torture et autres violations des droits humains dans la prison de Maekelawi, le camp Boiro éthiopien
Cette semaine, le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn a annoncé que la prison Maekelawi, l’un des centres de détention les plus célèbres du pays, allait bientôt fermer ses portes.
Cette annonce a apporté des sentiments mêlés aux nombreux Éthiopiens qui ont survécu aux pratiques d’interrogatoire notoirement brutales utilisées à Maekelawi. Parmi eux, Befeqadu Hailu, un auteur de Global Voices et blogueur sur les droits de l’homme.
En 2014, Befeqadu a été arrêté avec huit de ses confrères blogueurs et journalistes, tous en raison de leur participation à un blog collectif intitulé Zone9, où ils décrivaient les obligations de leur gouvernement en matière de droits de l’homme et de droit constitutionnel.
Les neuf écrivains ont été arrêtés et détenus à Maekelawi sans inculpation pendant près de douze semaines en 2014, avant d’être inculpés en vertu de la Proclamation antiterroriste du pays.
Befeqadu a ensuite écrit un récit de première main de son expérience au centre de détention, que nous partageons ici dans le but de mettre au grand jour la dure réalité de Maekelawi sous le gouvernement éthiopien actuel.
Dans une lettre envoyée en août 2014 à Global Voices par les avocats des blogueurs, Befeqadu écrivait :
Le documentaire “They Want a Confession” (Ils veulent des aveux) traite des graves violations des droits de l’homme, des techniques d’interrogatoire illégales et des mauvaises conditions de détention au centre de détention de Maekelawi à Addis-Abeba, à partir d’entretiens avec d’anciens détenus et des membres de leur famille. Parmi les personnes emprisonnées à Maekelawi figurent des dizaines de d’opposants politiques, de journalistes, d’organisateurs de manifestations et de prétendus partisans des insurrections ethniques.
Befeqadu a décrit les méthodes d’interrogation à Maekelawi comme étant “plus axées sur la domination et la soumission que sur la confiance ou la créativité”.
“S’ils ne parviennent pas à vous extorquer des informations de cette manière, ils forcent les aveux en vous frappant à coups de poing et en vous battant, en vous obligeant à faire des exercices physiques intensifs et en vous flagellant”, écrivait-il. “J’ai parlé avec des détenus qui avaient subi des procédures encore plus pernicieuses qui étaient clairement des violations de leur vie privée. Certains détenus ont été contraints de se déshabiller et de se mettre debout nus, ou de faire des pompes jusqu’à l’aube. “
Il continuait, décrivant comment lui et ses collègues ont été forcés d’avouer :
Befeqadu a passé 18 mois dans les prisons éthiopiennes avec ses collègues avant d’être libéré en octobre 2015. Lui et ses collègues ont été acquittés sans jamais comparaitre devant un tribunal.
Befeqadu a également présenté les récits qu’il avait entendus de ses compagnons de cellule, qui avaient été amenés à Maekelawi après avoir souffert d’épreuves encore plus graves dans d’autres centres de détention du pays. “Ces détenus ont souffert d’une barbarie diabolique telle que l’extraction brutale des ongles de leurs doigts, la flagellation et la cagoule”, écrit-il.
Faisant référence aux violations des droits de l’homme sous le régime du Derg [fr] dont le gouvernement actuel de l’Éthiopie cherche maintenant à s’éloigner, Befeqadu a comparé ces expériences à celles du passé.
“Il s’avère que l’angoisse des prisonniers éthiopiens, quelque chose qui semblait si lointain dans la mémoire, n’est pas si loin après tout”, a-t-il dit.
Répondant aux nouvelles de cette semaine, Befeqadu a écrit sur Twitter :
Le Premier ministre Hailemariam a déclaré: “Maekelawi était une maison de torture sous le régime du Derg” ; c’est trop peu. Je suis une victime vivante de cette chambre de torture sous son règne. À l’époque, je souhaitais me suicider au lieu de voir des interrogateurs le lendemain. Ces types rendent le pardon difficile.
Befeqadu et ses deux collègues Atnaf et Natnael ne sont pas vraiment libres, au sens propre du terme. Bien que leurs accusations de terrorisme aient été retirées, ils attendent des décisions sur d’autres chefs d’accusation, tous déclenchés par leurs critiques pacifiques du pouvoir.
Lire aussi [en anglais] :
- Le compte rendu intégral de Befeqadu de son expérience à Maekelawi
- La couverture complète par Global Voices du cas des blogueurs de Zone9Ce bi
Ce billet a été écrit par Ellery Roberts Biddle pour le réseau Global Voices Advocacy dont elle est la directrice. La traduction française que j’ai assurée a été publiée le 10 janvier 2018.